Droits des consommateurs. le chemin est encore long

C’est la journée internationale des droits des consommateurs. Le consommateur marocain est-il bien protégé aujourd’hui ? Quelles avancées ? Quels changements de mode de consommations suite au covid ? …Explications du président de la fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC), Bouazza El Kharrati.

L’Observateur.info : Le chemin parcouru pour défendre les intérêts du consommateur a été long. Est-ce que ce qui a été fait jusque là, est suffisant pour protéger le consommateur marocain ? Que reste t-il à faire ?

Bouazza El Kharrati : Depuis l’année 2000,  il y a eu beaucoup de changements et d’avancées sur le volet de la protection des droits du consommateur au Maroc.  Le coup d’envoi d’une vraie politique de protection du consommateur a été donné dans le discours Royal du 20 Août 2008. Le Roi Mohammed VI avait demandé alors au gouvernement d’antan de promulguer un code sur la consommation. Le projet de loi a été promulgué en 2011 et la loi  sur les mesures prises pour la protection du consommateur loi 31-08 a vu alors le jour. Autre étape phare dans le processus : la décision du ministère de l’industrie et du commerce de signer une convention avec le mouvement consumériste pour la réalisation d’un projet de mise en place des guichets consommateurs professionnels, que nous considérons comme une grande réussite puisque non seulement  le projet a engendré la création d’emplois mais a permis de mettre à la disposition de consommateurs d’un espace d’accueil  pour répondre à ses problèmes de consommation. Le Maroc est donc devenu leader en Afrique sur ce volet. Néanmoins, beaucoup reste encore à faire : le droit en justice par exemple reste toujours bafoué et le code de consommation n’a pas encore vu le jour. Aussi, on note l’absence d’une agence, d’un organisme, voire même un ministère qui pourrait se charger des affaires des consommateurs marocains. Autre problématique majeure : les associations de consommateurs doivent faire une auto-critique. Elles doivent évoluer et le modèle utilisé jusqu’à présent  est arrivé à ses limites, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, il n’est pas représentatif démocratiquement, n’importe qui peut créer une association et prétendre qu’il défend les consommateurs. Ensuite, ce sont des instances non pérennes, qui disparaissent généralement avec la mort du président, qui elles n’ont pas de sources de financement permanentes. Par conséquent, il faut réfléchir à des instances équivalentes aux chambres de l’agriculture, d’artisanat, de commerce… élues démocratiquement, financés par l’Etat et qui ont leur représentant au niveau de la deuxième chambre.

Quel a été l’impact du covid sur les modes de consommation ?

Nous n’avons pas pu organiser la journée du consommateur l’année dernière, mais nous sommes quand même restés à l’écoute des consommateurs pour comprendre les nouveaux modes de consommation et les recevoir leurs requêtes. En 2020, la FMDC a reçu 5.977 requêtes dont 62% ont été résolues. Le problème récurrent était lié au retard des réceptions des aides versées par l’Etat aux personnes démunies.  Je dois ici souligner que le ministère de l’intérieur, celui du commerce et l’ONSSA font preuve d’un niveau e réactivité remarquable dès qu’on leur adresse des requêtes émanant des consommateurs. Lors de cette période nous avons alors assisté à une explosion du e-commerce en général et alimentaire en particulier qui avait du mal à décoller au Maroc. Mais là où le bas blesse, nous nous sommes trouvés confrontés à un secteur où il n’y a presque pas de loi. La seule loi qui existe est la 31-08 , promulguée en 2011 mais malheureusement tous les articles concernant la vente à distance ont été élaborées en 2000 et sont alors devenus désuets et donc bon nombre de consommateurs ont été arnaqués. Pour résoudre cette problématique, nous souhaitons que le projet du code numérique qui a été enterré en 201,  revoie le jour.

Un récent rapport des Nations-Unies classe le Maroc dans la liste rouge des pays où le gaspillage alimentaire est le plus important. A la veille du mois du ramadan où le phénomène bat son plein, quelles actions à entreprendre pour sensibiliser les citoyens ?

Effectivement. Le rapport note que plus de 3 millions de tonnes de denrées alimentaires propres à la consommation ont ainsi été jetées à la poubelle en 2020 ce qui représente 91 kilos par Marocain. C’est alarmant. Le gaspillage alimentaire est une honte au Maroc. Et cela commence à partir des champs, continue  lors du transport, du stockage, de la préparation, de la vente et chez le consommateur. Malheureusement, tous les maillons de la chaîne sont concernés et ne sont pas conscients de la gravité de ce gaspillage. Le mois sacré est la période où le phénomène du gaspillage alimentaire explose. Et la fédération lutte depuis de longues années contre ce fléau et a organisé même des journées de sensibilisation dans ce sens en appelant les citoyens à rationaliser leur consommation. L’objectif est de transformer les consommateurs et surtout les consommatrices, gestionnaires de foyer en consommatrices averties veillant à l’équilibre alimentaire et surtout économique de leurs foyers.