LE RAS-LE-BOL DES SYNDICATS

C’est un événement historique. Les syndicalistes de la CDT et la FDT ont été accueillis au siège de l’UMT où ils n’avaient plus mis les pieds depuis 40 ans. Le même jour, quelques heures auparavant, au siège de l’USFP, les partis de l’opposition réunis décidaient de créer une instance de coordination. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour la majorité, mais c’est une excellente chose pour la construction démocratique.

Le front syndical unifié représente près de 70% des salariés syndiqués. Sur des questions aussi importantes que la décompensation ou la réforme des caisses de retraite, ils auront leur mot à dire.

Il vaut mieux négocier avec un front uni qu’avec des syndicats divisés qui se livrent à la surenchère, chacun voulant montrer à ses affiliés qu’il est le plus combatif.

L’opposition parlementaire a décidé de coordonner l’action des 4 groupes (L’Istiqlal, USFP, PAM et UC) au sein des deux chambres. Là aussi, cela ne peut qu’apporter plus de consistance aux débats, que ce soit en commissions ou en séance plénière. Ne serait-ce que par rapport à la gestion du temps de parole.

Bien entendu, cette entente se fait contre la majorité en général et le PJD en particulier. Mais à l’inverse du fameux G8, qui n’a pas tenu un mois, elle a de la consistance. Les 4 syndicats sont réellement représentatifs. Ils sont sur la même ligne. Le gouvernement ferme la porte au dialogue social en mettant en avant ses difficultés budgétaires qui sont bien réelles. Or, les salariés savent qu’on va leur demander plus d’efforts, par la hausse des prix liés à la décompensation et surtout sur les retraites. Les deux variables concernent les travailleurs au premier chef et il est normal qu’ils revendiquent des compensations aux sacrifices qu’on leur impose.

La coordination de l’opposition parlementaire et l’unité syndicale participent d’un même mouvement, celui de la rationalisation du champ politique. C’est un mouvement que les électeurs même ont imité. Les résultats du 25 novembre 2011 ont balayé la balkanisation et ont mis en branle la recherche d’une recomposition. Il y a quelques mois, deux partis revenaient dans le giron de l’USFP, et les discussions sont bien avancées avec les amis d’Amaoui. La gauche non parlementaire, le PADS et le GSU annoncent eux aussi leur union. C’est un mouvement de fond et il est salutaire.

La recomposition du champ politique a pendant longtemps été une revendication de la société civile, mais elle ne se décrète pas. La constitution prévoit une vie politique aux standards les plus élevés ce qui est antinomique avec la dispersions. Les politiques savent que l’adhésion des citoyens nécessite une vie politique saine et non pas la multiplication des fonds de commerce partisans.

Les débats au sein de toutes les structures partisanes démontrent un vrai désir de rationalisation. On ne peut que saluer ce réveil !

Le gouvernement adoucit le ton

Il n’y a eu aucune déclaration officielle de l’équipe de Benkirane après les sorties tonitruantes des « patrons » de l’UMT, la CDT et l’UGTM. Ces syndicats font désormais front commun face au gouvernement. Celui-ci semble vouloir jouer l’apaisement.

A en juger par les déclarations du ministre de l’Emploi et des affaires sociales données à L’Observateur du Maroc, le gouvernement tente de dissiper l’orage que fait planer actuellement les syndicats sur le climat social. « Au niveau du gouvernement, nous avons toujours tendu la main aux organisations syndicales pour maintenir le dialogue social », assure Abdesslam Seddiki, ajoutant que la commission nationale en charge de la réforme de la retraite va bientôt se réunir. Il assure qu’aucune décision n’a été prise dans ce dossier. Du reste, il souligne que les engagements pris par le gouvernement à travers l’accord du

26 avril 2011, qui constituent l’essentiel des revendications syndicales, ont été appliqués à 80%. Quelques points restent toutefois en suspens. Parmi eux, l’unification du SMIG et du SMAG réclamée par le front syndical nouvellement constitué et qui ne sera réalisée, selon le ministre, qu’au bout de 4 à 5 ans.

Abdesslam Seddiki déclare faire confiance aux acteurs sociaux pour la préservation de l’image du pays à l’heure où, selon lui, de bons signes commencent à pointer à l’horizon, avec notamment une reprise remarquée des investissements directs étrangers. « J’invite les acteurs sociaux à privilégier l’intérêt du pays et de préserver sa stabilité qui est un atout fondamental qui n’a pas de prix », insiste-t-il. Et d’ajouter : « C’est compréhensible que les syndicats veulent mobiliser et haranguer leur base, mais tout dérapage pourrait avoir des conséquences négatives pour le pays et pour tout le monde, y compris les syndicats eux-mêmes ». Aux yeux de Seddiki, le dialogue ne doit pas être vu dans son sens étriqué.

« Le CESE est l’instance du dialogue par excellence», martèle-t-il, estimant que les échanges avec les acteurs

sociaux et économiques sont permanents.

La CGEM favorise la médiation

Est-ce un hasard de calendrier ? A quelques jours de la sortie du front syndical commun, la CGEM relance le débat sur la

médiation sociale. Avec l’appui de la direction sous-régionale du Bureau International du Travail (BIT) au Caire (Egypte), l’antenne régionale Tensift et la Commission emploi et relations sociales de la Confédération patronale annoncent qu’elles co-organisent, le 14 février, une rencontre régionale à Marrakech sous le thème « Dialogue Social et Médiation : leviers de la compétitivité de l’entreprise ». Abdeslam Seddiki, ministre de l’Emploi et des Affaires Sociales, sera de la partie, aux côtés de représentants des centrales syndicales les plus représentatives, des experts locaux et nationaux, ainsi que des directeurs

généraux et directeurs des ressources

humaines des entreprises de la région de Marrakech-Tensift-Al Haouz. Là encore, la CGEM compte parapher des cadres conventionnels pour la mise en place d’un dispositif de médiation sociale entre la CGEM Région Tensift et les bureaux régionaux des Centrales Syndicales les plus représentatives.

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