« La progression des agressions sexuelles est effrayante »

L’Observateur du Maroc. En dix ans, les agressions sexuelles dont sont victimes des mineurs sont en hausse. Pourquoi ?

Najat Anwar. On peut expliquer cette progression par la capacité des familles et la société en général à dénoncer publiquement la pédophilie subie par leurs enfants.

Un tabou a été brisé.

Par contre, je suis inquiète face à l’augmentation des cas et le profil des victimes.

Le rythme de progression des agressions est même effrayant.

Les victimes de pédophilie ont entre 2 à 18 ans, sont des garçons et des filles, aptes et handicapés.

Avez-vous des chiffres précis sur les cas enregistrés chaque année ?

En 2012, nous avons réalisé une étude sur la région du Gharb est les résultats sont alarmants.

Chaque année, entre 100 et 136 enfants sont victimes de sévisses sexuelles à Kénitra.

L’arrestation d’un pédophile britannique laisse penser une nouvelle fois que le Maroc serait un terrain de chasse des pédotouristes…

Le Maroc allait le devenir.

Il faut savoir qu’avant 2004, les touristes impliqués dans des affaires de pédophilie n’étaient pas punis.

Ils payaient juste une amende de 2000 DH.

Par contre, les victimes étaient accusées de racolage et elles étaient transformées en coupables.

C’était très grave ! Un juge estimait que condamner le pédotouriste peut porter atteinte au tourisme.

Or ce tourisme là, on n’en veut pas.

Nous avons bataillé dur pour en finir avec « l’immunité touristique » afin que les étrangers puissent répondre de leurs actes.

Donc, on revient de loin.

Quelles leçons retenez-vous de Danielgate ?

Quelque soit le contexte ou le type d’affaire, nous restons actifs sur le terrain.

Dès 2006, nous avons alerté contre une grâce royale dont a bénéficié un pédotouriste à Marrakech.

Lisez les câbles de Wikileaks qui en parlent.

Depuis 10 ans, nous continuons à jouer pleinement notre rôle qui est de transmettre l’information sur les pédophiles à l’opinion publique.

La castration chimique des pédophiles peut-elle être un moyen de dissuasion ?

Ce débat est prématuré.

Je n’ai pas d’avis tranché sur ce sujet, mais ça ne fait pas partie de mes priorités.

Quelles sont donc vos priorités ?

Le Maroc a besoin de psychologues et de juristes pour une prise en charge des victimes et leurs familles.

Il est urgent de lancer des campagnes de sensibilisation et d’éducation sexuelle ainsi que des partenariats réels avec la société civile et les médias.

En 2012, vous accusiez Bassima Hakkaoui de vous exclure des programmes de son département.

Et en 2014 ?

La ministre persiste à nous exclure.

Sans une collaboration avec la société civile, on ne pourra pas avancer sur ce thème.

Les associations connaissent le terrain et sont en contact avec les premiers concernés, les victimes d’abus sexuel.

Sauf que nous n’avons ni le pouvoir, ni les moyens pour trouver des solutions pérennes.

Touche pas à mon enfant fête ses dix ans.

Qu’est ce qui vous fait courir depuis une décennie ?

Quand nous recevons au quotidien des cas venus de régions éloignés du Maroc, on ne peut pas les abandonner.

Les apporter un soutien ou même un conseil est notre véritable moteur ❚