La longue marche
Ahmed CHARAI

Le conservatisme a la peau dure. L’engagement royal en faveur des femmes et la nouvelle constitution qui consacre leurs droits n’ont pas atténué le machisme ambiant, au niveau des discours. Les faits, eux, démontrent clairement que les femmes, au quotidien, arrachent leur émancipation. Les statistiques sont là. Selon une étude du HCP, 54% des ménages sont financés conjointement par le mari et la femme, 17% ont pour chef de famille une femme. C’est cette réalité qui finira par estomper le conservatisme. Malgré la persistance de la déscolarisation des filles en milieu rural, au niveau du baccalauréat, nous sommes, pratiquement face à la parité garçons-filles, celles-ci prenant un léger avantage au niveau universitaire. Cette évolution est structurelle puisqu’elle est constatée depuis plus d’une décennie.

Grâce à la discrimination positive, la présence féminine en politique a fait un bond. Plusieurs députées ont été élues au suffrage direct et non pas sur une liste nationale. Des communes, y compris rurales, sont présidées par une femme. Un parti, le PSU est dirigé par Madame Mounib. Les femmes sont aussi bien présentes dans les médias et l’entreprise. La présidence de la CGEM étant assurée par Madame Miriem Bensalah. Si nous citons et énumérons tous ces faits, c’est parce que nous savons tous que la marche vers l’émancipation n’est pas qu’affaire de textes législatifs. Par exemple, le premier gouvernement de Benkirane ne comportait qu’une seule femme, alors que la constitution prévoit la parité comme objectif à atteindre. Les associations féministes dénoncent la persistance du mariage précoce, malgré le code de la famille, les juges délivrant trop souvent l’autorisation pour le mariage d’une mineure.

Les mêmes associations constatent que la violence faite aux femmes est un phénomène qui touche tous les milieux sociaux. On peut regretter d’ailleurs que le projet de loi sur le harcèlement, présenté par Bassima Hakkaoui, ait été enterré. La journée de la femme est propice aux bilans d’étape. En quinze ans, la femme marocaine a réalisé des acquis importants. Ils sont dans les textes qui consacrent désormais l’égalité parentale, mais surtout dans les faits. Le combat continue contre les discriminations au travail ou les discours misogynes dans les médias. Il ne faut pas, non plus, oublier que faute d’accès aux soins par manque d’infrastructures, trop de femmes meurent à l’accouchement. Cette mortalité est insupportable parce qu’elle est évitable. Partout dans le monde, y compris dans les pays développés et les démocraties les plus établies, le combat pour l’égalité est âpre, sinueux. C’est une transformation sociale qui est lente à se dessiner. Au Maroc, nous revenons de loin, de très loin, et les traditions conservatrices sont encore prégnantes. Cela doit nous inciter à fournir encore plus d’efforts. L’émancipation de la femme est au coeur du projet de modernisation de la société. Tous ceux qui adhèrent à ce projet doivent rester mobilisés pour accélérer la marche.