Les leçons d’une élection
Ahmed CHARAI

Le premier tour des élections municipales en France a démenti toutes les prévisions, non pas par les tendances, correctement prévues, mais par leur ampleur. L’abstention a battu tous les records à 38.4%. Dans certains cas, elle a dépassé les 50%. Elle concerne en premier lieu les jeunes et les ouvriers, les premières victimes de la crise en somme. Le Front national est présent, au deuxième tour, dans trois cents communes et pourrait en ravir cinq ou six. La gauche s’effondre, même si elle devrait sauver Paris et Lyon, pas encore sûr ! La direction du parti socialiste ne peut plus nier l’impact de l’impopularité du gouvernement sur le scrutin. Aux mauvais résultats, s’ajoute l’abstention des électeurs de gauche, qui a franchi les 40%, selon les sondeurs. Désaveu selon les uns, impatience selon les autres, ce fait avéré implique des changements pour éviter une catastrophe électorale aux européennes prévues dans quelques semaines. La montée du Front national interpelle l’ensemble de la classe politique.

Il s’agit, cette fois, d’un vote d’adhésion qui permet de dire qu’il y a une véritable implantation locale au Sud-Est et dans le bassin minier. Les dernières affaires ont peutêtre amplifié le phénomène, mais les observateurs remarquent que les listes FN ont fait une compagne centrée sur les problèmes locaux. La réalité est plus lourde de conséquence. La France voit s’installer un tripartisme UMP-PS-FN qui changera les institutions à terme. L’offre politique de la droite extrême, banalisée par la ligne Buisson de la campagne présidentielle séduit dans les milieux populaires. Des électeurs, traditionnellement à gauche, s’y retrouvent. En enterrant le front républicain, la droite ne fait que prendre acte de cette nouvelle réalité.

La gauche groggy se trompe, si elle croit qu’un remaniement suffirait à lui seul, pour reconquérir l’opinion publique. François Hollande et son gouvernement sont au plus bas parce qu’ils n’ont pu enrayer ni le chômage, ni la baisse du pouvoir d’achat. Or, sur ces deux sujets, la marge de manoeuvre reste très faible. Le pacte de responsabilité et la baisse du coût du travail n’auront d’impact sur la courbe du chômage qu’à moyen terme. Encore faut-il que cette baisse fouette réellement la compétitivité et permette de gagner des parts de marché. Or, cette baisse doit être compensée budgétairement, ce qui implique du moins le maintien au niveau actuel des impôts, en particulier la TVA et donc la ponction sur le pouvoir d’achat des ménages. Le discours anti-européen porte parce que la monnaie unique est trop forte sans que les Etats puissent intervenir. L

a sortie de crise n’est donc pas envisageable à court terme. Sur ce fond objectif, les affaires de Cahuzac à Sarkozy et les polémiques alimentent le Front National, la droite extrême. La droite républicaine se radicalise, adopte le discours frontiste, la gauche est de plus en plus libérale, le tout ouvre un vrai boulevard aux extrêmes. C’est une pression supplémentaire sur François Hollande, dont les recettes n’ont pas donné de résultats et qui doit réussir un coup d’éclat s’il veut retrouver la confiance des électeurs.