Le Maroc, désireux et influent en Afrique

PAR J. PE TER PHAM DIRECTEUR DE L'AFRICA CENTER RELEVANT DU THINK TANK AMÉRICAIN ATLANTIC COUNCIL

Analyse mise en ligne sur le site américain 'thehill.com' le 19 février 2014

L’Afrique est devenue « une pépinière de groupes extrémistes et de rebelles », a prévenu le directeur américain du renseignement national James Clapper au Congrès le 29 janvier dernier. Et c’est cette menace qui a incité le président Obama et son homologue français, François Hollande, à appeler dans un communiqué conjoint à l’intensification des efforts avec les pays africains dans le but « de barrer la route aux groupes extrémistes affiliés à Al-Qaïda et les empêcher de s’implanter dans la région sahélo-saharienne».Dans leur recherche de partenaires africains compétents en la matière, les États-Unis et leurs alliés européens devraient se concentrer sur le Maroc, dont le Roi Mohammed VI vient d’entamer une autre navette diplomatique à travers l'Afrique de l'Ouest cette semaine qui le mène au Mali, à la Guinée, en Côte d'Ivoire et au Gabon. Au milieu des bouleversements qui ont frappé l'Afrique du Nord à partir de 2011, le Maroc a su se démarquer comme une exception. Non seulement le Royaume a pu éviter les extrêmes d’un tumulte révolutionnaire et d’une répression excessive et violente, mais il a surtout accéléré le processus d’un renouveau politique et social déjà en cours, ratifiant une nouvelle constitution et procédant à des élections qui ont abouti à la formation d’un gouvernement de coalition dirigé par un parti islamiste modéré au moment où leurs voisins ont encore du mal à composer avec le Printemps arabe. Alors que les autorités marocaines ont réagi de façon rapide, ferme et décisive suite à quelques attaques terroristes qui ont frappé le pays dont notamment les attentats suicides perpétrés en 2003 à Casablanca et à Marrakech en 2011, le gouvernement marocain a lancé une campagne de grande envergure visant la lutte

Dans leur recherche de partenaires africains compétents en la matière, les états-unis  et leurs alliés européens devraient se concentrer sur le Maroc .

contre les influences extrémiste en s’attaquant surtout à leurs causes profondes. Dans cette optique, le ministère des Affaires islamiques parraine une chaîne de télévision consacrée à la promotion d'un islam ouvert et tolérant, respectueux de toutes les autres religions, guidé par des perspectives musulmanes modérées dont notamment l'école malékite de jurisprudence, la perspective théologique Ash'ari (qui s'oppose à l'idéologie salafiste), et le mysticisme soufi favorisé par le Roi en sa qualité de « Commandeur des croyants ». L'illustration la plus parlante de la capacité et la volonté de l'Etat marocain d’aller loin dans ses efforts pour lutter contre l'extrémisme religieux est l'arrêté royal rendant obligatoire la formation de cinquante mourchidates ou guides religieux féminins, aux côtés de 150 imams (hommes) chaque année. Contrairement au programme

traditionnel administratif (clérical), ces étudiants, hommes et femmes, obtiennent un baccalauréat laïc qui comprend des cours en psychologie, en communication, et en langues étrangères, en plus des cours de loi islamique et du Coran. Le Département d'Etat américain a également noté que « le gouvernement marocain continue de mettre en oeuvre les réformes internes visant

l’amélioration des facteurs socio-économiques que les terroristes exploitent », citant en particulier l'Initiative Nationale pour le Développement Humain qui met plusieurs milliards de dollars à la disposition d’un programme visant la création d'emplois,

la lutte contre la pauvreté, et l'amélioration des infrastructures. Le Maroc, l’un des deux seuls pays africains à être reconnus comme «principal allié non-OTAN des États-Unis » (l'autre pays est l'Egypte), a privilégié la coopération internationale dans les efforts de lutte contre le terrorisme. L'année dernière, le Royaume a signé des accords avec la France, l'Espagne et le Portugal pour permettre l'accès à ses bases militaires au cours des opérations françaises menées au Mali pour empêcher la prise de contrôle de ce pays par des militants d'Al-Qaeda. Le Maroc a également usé de son influence dans la région pour concilier le gouvernement malien et les populations rétives du Nord, en accueillant les leaders du groupe principal Touareg, le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), pour des entretiens tenus à

Marrakech arbitrés par Mohammed VI. En outre, depuis le rétablissement de l'ordre constitutionnel au Mali, le Maroc a proposé un programme d'assistance qui consiste à soutenir les programmes de développement humain, en particulier dans les domaines de la formation des cadres, l'infrastructure de base et la santé. Des mesures visant à encourager le commerce et les investissements bilatéraux pour stimuler l'emploi et le transfert des compétences, ainsi que l'éducation et la formation de 500 imams maliens en se basant sur un islam modéré et tolérant pratiqué par le Maroc pour les aider à combattre la propagation de l'extrémisme au sein de leurs communautés. Le Maroc vient d’accepter la demande des gouvernements tunisien et guinéen pour une aide semblable dans la formation de religieux modérés. Le développement économique étant indispensable pour prévenir la dérive des jeunes chômeurs et d'autres populations défavorisées vers des mouvements extrémistes confirme le rôle éminent que jouent les entreprises marocaines à travers l'Afrique en offrant une contribution aussi importante et essentielle à la stabilité et la prospérité régionale. Dans un continent où le manque d'accès au secteur bancaire formel reste un obstacle majeur à la croissance économique, l'importance de la récente expansion des institutions financières marocaines ne doit pas être sous-estimée. La banque marocaine Attijariwafa bank, par exemple, dispose à présent de 367 succursales dans huit pays de l'Afrique subsaharienne ainsi que de la dernière

190 succursales en Libye et en Tunisie. Dans l'ensemble, les flux d'investissements étrangers directs marocains en Afrique subsaharienne ont augmenté de plus de 40% au cours de

Le Royaume est pret à jouer un role d'avant-garder dans le continent african .

la dernière décennie, avec des participations dans des secteurs dont notamment l'agriculture, les télécommunications, les produits pharmaceutiques et la manufacture. L'importance de ces investissements a été soulignée dans le communiqué publié suite à la rencontre du président Obama avec le Roi Mohammed VI en novembre dernier, qui s'est engagé à l’égard de l’Afrique d’« explorer des initiatives conjointes visant à promouvoir le développement humain et la stabilité grâce à la sécurité alimentaire, l'accès à l'énergie, et la promotion du commerce ».

Le Maroc s'emploie à surmonter un certain degré d'isolement de l'Afrique en raison de son autorité litigieuse sur la région du Sahara. Le Royaume a en effet proposé un plan d'autonomie au territoire, une initiative qualifiée récemment par l’administration

Obama de « sérieuse, réaliste et crédible ». L’engagement affirmé et croissant du Maroc en Afrique, sous le leadership du Roi Mohammed VI, est le fruit de hautes considérations stratégiques, dans le cadre d’une démarche qui envoie un message fort et sans équivoque : le Royaume est un pays africain doté d’une grande capacité de projection politique et économique dédiée au développement dans le continent. Le Royaume est donc prêt à jouer un rôle d’avant-garde dans le continent africain. Il s’agit d’un signal fort dans la mesure où Washington et Paris, ainsi que d’autres grandes capitales occidentales ont grandement besoin d’un partenaire « sûr en vue de consolider la sécurité et la prospérité régionales » ❚

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