« Le Job », une révélation

IL Y EN A DE CES ROMANS QUI VOUS BOUSCULENT, VOUS RENVERSENT ET VOUS RÉCONCILIE FINALEMENT AVEC LA LECTURE OU PLUTÔT AVEC LE PLAISIR DE LIRE. « LE JOB », PREMIER ROMAN DU JEUNE ÉCRIVAIN REDADALIL, EN EST UN. UNE PLONGÉE À CORPS PERDU DANS LE VÉCU TOURMENTÉ D’UN JEUNE FINANCIER FRAICHEMENT LICENCIÉ DE SON POSTE DE COMPTABLE DANS UNE MULTINATIONALE.

Ghali, trentenaire casablancais, est touché de plein fouet par la crise mondiale. Sans crier gare, il se retrouve du jour au lendemain privé de son travail, de son salaire mais surtout du sentiment de sécurité que lui procurait son statut de jeune cadre dynamique. Encore sous le choc de son remerciement ingrat, il essaye tout de même de se ressaisir et de se lancer dans une recherche acharnée d’un nouveau job. Une manoeuvre infructueuse qui prendra au final les allures d’une quête existentielle confrontant le jeune homme à ses propres démons. Commence alors une descente vertigineuse aux enfers où le lecteur est entrainé sans ménagement. En redoutable narrateur, RedaDalil vous happe avec son récit. Impossible d’échapper au «je» et à son pouvoir impliquant. Ghali se livre complètement dans la première personne et le lecteur n’a d’autre choix que de vivre cette histoire… par procuration. Et c’est là tout l’art de l’écrivain du «Job». Authentique, son verbe est frappant de sincérité. Chaque mot, chaque phrase, chaque péripétie est une révélation, un partagequi ne se perd pas trop dans la forme mais qui puise toute sa puissance dans le fond. Mais ce choix n’ôte rien à l’éclat du style. Tout au contraire !Dalil a la verve des poètes français et la maitrise des intrigues des écrivains américains. Un sacré mariage qui enfante un roman initiatique aux allures de quête existentielle. De Ghali, le héros (ou plutôt l’anti-héros), au proprio hargneux, en passant par l'ami d’infortune (Ali), la femme de ce dernier Sofia, leur fille, la grand-mère de Ghali, Meriem l’ex bien aimée, son mari… les personnages du « Job» ont cette épaisseur psychologique troublante. Evoluant dans des univers croisés, ils donnent l’impression d’échapper à la vigilance de l’auteur pour progresser, bouleversants de vivacité, à travers le récit. Ils prennent vie sous la plume de Dalil et déclenche cette envie irrésistible de trouver leurs correspondants réels dans la vraie vie. S’inspirant « à seulement 15% » de sa propre expérience dans l’écriture de son roman, RedaDalil n’en reste pas moins attaché à la réalité. Serait-il rattrapé par son job à lui de journaliste ? En tout cas, c’est un atout qu’il a su transcender avec une imagination fertile et un certain pouvoir « conspirateur » pour mener la vie dure à son personnage principal Ghali. « J’ai voulu le confronter à cette notion qui m’a toujours fasciné : le destin. Ghali a beau se débattre, se mortifier, se ressaisir, s’armer d’espoir, se battre… rien n’y est. Sa destinée le poursuit et il n’a d’autre choix que d’assumer jusqu’au bout », argumente l’écrivain qui n’hésite pas à pousser son personnage jusqu’à ces derniers retranchements.Ne le ménageant guère, il remonte son passé, déniche l’origine de ses maux, les dissèqueen miroitant une possible rédemption pour rattraper cet avenir devenu soudain impossible. Quasiment absente durant tout le récit, la figure du père fait ainsi son apparition à la fin pour incarner majestueusement la notion de chute. Un véritable régal, «Le job» vous séduit au début par son ton badin, vous tient en haleine par son rythme cadencé avant de donner le coup de grâce en vous laissant un gout aigredoux dû essentiellement à la beauté de l’oeuvre et à la tristesse de la fin. Avec ce premier coup d’essai, RedaDalil s’avère une véritable révélation. Vivement le prochain roman !

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