Qui es-tu ?
Ahmed Charau00ef

Monsieur Choubani est Ministre chargé des Relations avec le Parlement. A ce titre, il n’a aucun droit de décider qui peut entrer ou non dans l’enceinte de celui-ci et dans quelle condition. En se permettant "d’expulser" une journaliste, parce que sa manière de se vêtir ne lui a pas plu, il viole toutes les règles démocratiques et inflige un camouflet à la représentation nationale. De quel droit s’arroge-t-il le pouvoir de régir la vie des gens, la manière d’être ? S’il s’appuie sur une conception religieuse, aussi erronée et totalitaire soit-elle, il n’est en rien une institution religieuse, il n’est même pas un Fkih ou un Aâlem, il est juste Ministre. L’institution religieuse existe, elle s’appelle "Imarat Al Mouminine" et elle ne délègue pas ses prérogatives. Qui est-il pour définir le code vestimentaire pour l’ensemble de la société ? Une société ouverte qui a toujours fait de sa diversité, y compris à ce niveau une richesse. En démocratie, personne n’a le pouvoir, ni le droit, de décréter des lois, ou d’imposer ses vues en la matière, qui relève du libre choix de tout un chacun. À moins que, Habib Choubani se prenne pour le dictateur coréen qui a imposé à tous ses citoyens de se coiffer de la même manière que lui. De quel droit se permet-il, au nom de ce qu’il considère sa morale, s’adresser à une jeune femme, sur son lieu de travail, pour la réprimander sur sa tenue et lui demander de quitter les lieux ? On est face à la conception extrémiste du "Taâzir", c'està- dire le prétendu devoir de rétablir les "bonnes moeurs", qui est à la base de toutes les dérives, de tous les désordres. C’est la conception des Talibans et c’est un ministre qui la met en pratique. Nous sommes devant un abus de pouvoir manifeste, caractérisé. Celui d’un homme qui humilie une jeune femme, à l’intérieur du parlement, au mépris de la sacralité de la représentation nationale. Le PJD doit condamner ce geste ou au moins prendre ses distances. Le parti de Benkirane essaye de se dissocier avec les prises de position sur les questions sociétales. Par exemple, il ne prend plus position, ni contre les festivals, ni contre certains films. Il serait incompréhensible qu’il couvre un ministre qui outrepasse toutes ses prérogatives, piétine la séparation des pouvoirs, agresse une journaliste au nom de sa vision de la femme. Enfin, il est clair que cette affaire enclenchera à nouveau le débat sur la question de la femme. On le voit déjà sur les réseaux sociaux, où les dénonciations sont multiples. La modernité présuppose l’égalité des individus. Les modernistes ne peuvent qu’être outrés par ce qui s’est passé au parlement, ils doivent le dénoncer vigoureusement et apporter leur soutien à la victime. Pour qui Habib Choubani s’est-il pris en agissant de la sorte ? C’est la question que nous nous posons, parce qu’il faut se la poser. C’est un véritable délire narcissique, selon la terminologie médicale. C’est du harcèlement, purement du harcèlement. Cela inquiète sur la conception qu’ont certains islamistes de leur succès électoral. Ils croient que cela leur donne le droit de régenter la société et les individus. C’est tout simplement inquiétant.