Le 20 février ou les limites d’un mouvement

Quand, il y a un an de cela, des jeunes ont lancé l’idée d’un mouvement de protestation, dans le sillage des révoltes arabes, les réactions ont été très diverses. Le PJD a été franchement hostile, le PPS aussi. Mais à l’USFP, les militants ont suivi le mouvement et ont même imposé, dans un conseil national, que le parti se retire du gouvernement si la réforme constitutionnelle n’a pas lieu. Dès le début, les jeunes ont accepté la gangrène.

Les Adlistes et les gauchistes ont pris la direction politique du mouvement. Les jeunes ont opposé une résistance, parfois historique, pour ne pas transformer le mouvement de contestation en un mouvement insurrectionnel. L’histoire leur a donné raison. Le Roi, dès le 9 Mars 2011, désamorce la mécanique en annonçant une réforme constitutionnelle d’envergure, allant dans le sens d’une monarchie parlementaire.

Ce choix politique, unique dans la sphère concernée, n’a pas été absorbé par le mouvement du 20 Février. Sous l’emprise des radicaux, ce dernier a refusé de participer à la réflexion autour du contenu de la nouvelle constitution et a appelé au boycott du référendum. Politiquement, le mouvement s’est isolé à ce moment-là. Les Adlistes vont tirer la leçon. Leur présence au sein d’un mouvement qui refuse de contester le régime, de mettre en équation la monarchie, malgré leurs efforts, n’était pas rentable. Du coup, les manifestations ont perdu de leur poids.

Accélérateur de l’histoire

Il serait cependant fortement injuste de réduire le mouvement du 20 Février et son impact à ces perspectives. La contestation a rapidement trouvé un public sur deux questions : la corruption et les déficiences sociales. Finalement, quand on assiste aux manifestations, ce sont ces deux problématiques qui mobilisent. Si les Adlistes se sont retirés, c’est surtout parce que les manifestants sont peu enclins à s’attaquer au régime et qu’ils réclament du travail, la justice sociale et la fin de la prédation économique.

Mais sur le plan politique, le 20 Février a agi comme un accélérateur de l’histoire. Quand l’USFP a présenté son mémorandum, ses alliés de l’époque, l’Istiqlal et le PPS, ont refusé d’en débattre. Dans le contexte régional des révoltes arabes, de la chute de Ben Ali et Moubarak, le 20 Février a imposé la réforme constitutionnelle. Cet acquis historique est à mettre à l’actif des jeunes du mouvement, même si intoxiqués par les courants radicaux, ils en minimisent la portée. Aujourd’hui, il faut se poser la question de l’utilité du 20 Février.

L’observateur objectif remarquera que les manifestations sont souvent dépendantes des situations locales. C’est en fonction des tensions sociales que le nombre s’amplifie ou pas. Le mouvement n’appartient plus aux jeunes qui l’ont initié, les populations s’en sont saisies pour exprimer leurs revendications. Celles-ci sont essentiellement sociales, rattachées aux conditions de vie. Cela dégénère parfois, ce qui prouve que le mouvement n’encadre que peu les manifestations en son nom. C’est l’une des grandes faiblesses du 20 Février. Sans direction politique, il n’est pas arrivé à devenir une force de proposition. Pire, il le refuse. Pourtant, le seul avenir de ce mouvement de contestation c’est de porter les revendications en leur offrant une issue politique viable. Cette transformation est la condition de la survie du 20 Février. Mais le Maroc reste redevable à ces jeunes des débats suscités suite à l’éclosion de leur mouvement. продвижение сайтов