Chroniques de femmes dépassées

LA «SUPERWOMAN» EST DE MOINS EN MOINS AU TOP DE SA FORME PHYSIQUE ET PSYCHIQUE. UNE ENERGIE EN CHUTE LIBRE, UN MORAL EN DENTS DE SCIE… HIND EST RATTRAPEE PAR SA CONDITION HUMAINE.

Le réveil sonne. Il est 6 heures du matin. D’une main lasse, Hind l’éteint avant qu’il ne réveille ses deux filles, 4 ans et 1 an. Elle a besoin d’une demi-heure pour le moins pour préparer leur réveil. Entre la préparation de leur petit déjeuner, de leurs déjeuners et leurs goûters, et leur habillement, elle fait en sorte que tout soit prêt avant qu’elles ne démarrent, à leur tour, leur journée. Sa corvée matinale accomplie, elle a juste le temps de se vêtir et de se préparer pour déposer la benjamine à la crèche et son aînée à l’école.

Après s’être sortie non sans peine de l’enfer de la circulation casablancaise, elle entame sa journée professionnelle. Cadre depuis peu dans une entreprise privée, elle n’a pas droit à l’erreur. Consciente de la vulnérabilité de sa situation, la jeune épouse et mère met les bouchées doubles pour prouver, au quotidien, qu’elle est à la hauteur des responsabilités que lui ont confiées ses supérieurs.

C’est une femme au caractère trempé. Elle a été élevée par un père, fervent féministe, qui a toujours cru au «Women power». Que ce soit au travail, chez elle ou en société, elle ne se donne pas le droit de fléchir. Croulant sous les responsabilités de plus en plus accablantes, elle n’est ménagée par personne. «Elle est forte, elle assume parfaitement tous ses rôles, autrement elle le ferait savoir», semblent penser son mari, ses proches, ses collègues comme ses supérieurs hiérarchiques. Mais la «superwoman » est de moins en moins au top de sa forme physique et psychique. Une énergie en chute libre, un moral en dents de scie…

Hind est rattrapée par sa condition humaine. Hind est loin d’être la seule femme marocaine à subir une telle condition. Aujourd’hui, elles sont nombreuses à croiser le fer avec un quotidien de plus en plus stressant. Double fonction, au foyer et au travail, double pression sur la femme active et mère de famille… elles en arrivent à perdre le nord. «Je me demande souvent si j’ai fait le bon choix en me mariant et en travaillant. J’ai parfois l’impression que ces deux fonctions sont incompatibles !», nous avoue Rajaa, mère d’un garçonnet et chargée de clientèle dans une entreprise casablancaise.

Profondément indépendantes, certaines se trouvent au final confrontées à un dilemme de taille : choisir entre leur carrière et leur famille. «Une situation injuste vu que nous avons été éduquées et formées pour être des femmes dynamiques capables d’apporter une valeur ajoutée à notre société et à notre pays. Ceci tout en inaugurant une nouvelle ère de changement», s’insurge Khadija, attachée de presse et jeune épouse. Un changement que les spécialistes jugent impossible, si l’autre moitié de la société - l’homme en l’occurrence - n’y participe pas positivement. Car si l’émancipation de la femme lui permet de trouver toute sa place dans la société et de jouir de la totalité de ses droits, elle n’en demeure pas moins défavorable à cette dernière dans le schéma familial et conjugal actuel. D’où l’intérêt de l’implication de toutes les composantes de la société dans ce processus de modernisation des valeurs, des mentalités et des structures. «Une société saine et émancipée ne peut exister sans la libération de la femme des carcans ancestraux», nous confirme le sociologue Abdessamad Dialmy (voir interview). Un foyer se tient à deux et une carrière professionnelle réussie peut aussi bien se conjuguer au masculin qu’au féminin.

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