RALENTISSEMENT ÉCONOMIQUE : Les nouvelles classes moyennes sous pression
Kaushik Basu

Près d’un milliard de personnes dans le monde en développement sont à risque de glisser des rangs d’une classe moyenne naissante, selon une analyse effectuée par le quotidien britannique Financial Times, suscitant des questions sur la durabilité de la marche vers une sortie de la pauvreté dans les 30 dernières années.

Les signes d’une inégalité croissante et d’un ralentissement de la croissance mondiale ont des implications majeures sur les entreprises qui ont investi massivement dans les marchés émergents.

L’une des plus grandes questions que se posent les gouvernements est ce que signifierait ce ralentissement de la croissance pour la création d’une classe moyenne solide dans les pays tels que la Chine et l’Inde.

Beaucoup de ces pays comptent beaucoup sur cette classe pour stimuler l’économie mondiale du 21e siècle.

Le FMI a averti la semaine dernière que le monde pourrait faire face à des années de croissance faible, alors que les économistes de la Banque mondiale ont également prévenu que la croissance des économies en développement se situerait à 2-2,5 points de pourcentage inférieure à celle observée avant la crise financière mondiale de 2008.

La Banque asiatique de développement a défini le point d’accès à la nouvelle classe moyenne par un seuil de pauvreté de 2 dollars par jour, ajusté à la parité du pouvoir d’achat, alors que d’autres économistes ont soutenu une définition plus robuste soit 10 dollars par jour.

Mais l’analyse effectuée par FT sur les données de la Banque mondiale en matière de répartition des revenus de 122 pays en développement, qui remontent à 1970, indique clairement que la majorité des millions de personnes qui sont sorties de la pauvreté au cours des dernières décennies est située dans ce que l’on appelle si bien un « milieu fragile » entre ces deux seuils.

En effet, plus de 2,8 milliards de personnes - soit 40% de la population mondiale - vivent avec une somme située entre 2 et 10 dollars par jour dans le monde en développement en 2010, dernière année où ces données étaient disponibles.

Cela fait du « milieu fragile » la tranche de revenu la plus importante du monde.

En outre, une grande partie de ceux qui ont échappé à la pauvreté demeure dans une tranche encore plus serrée juste au-dessus de 2 dollars par jour.

En 2010, 952 millions de personnes gagnaient entre 2 et 3 dollars par jour dans le monde en développement, selon l’analyse FT, un segment vulnérable qui a augmenté plus rapidement que tout autre dans l’ensemble de l’éventail des revenus.

L’Organisation internationale du Travail a déclaré qu’elle voyait déjà l’impact du ralentissement de la croissance dans les économies émergentes.

Le nombre de travailleurs dans le monde vivant dans l’extrême pauvreté n’a baissé que de 2,7% en 2013, l’un des taux les plus lents observés au cours de la dernière décennie.

Dans une interview, Kaushik Basu, économiste en chef de la Banque mondiale, a averti qu’une grande partie de ces populations qui ont émergé de la pauvreté au cours des dernières années demeurent « très vulnérables » et risquent de reculer.

Et d’ajouter que l’économie mondiale fait face à des risques, y compris la possibilité d’un nouveau ralentissement de la croissance de la Chine.

Et selon Mr. Basu, même si ce risque ne s’est pas concrétisé, la croissance actuelle ne serait pas suffisante pour récupérer le niveau de réduction de la pauvreté observé au cours des dernières décennies ❚