Convulsions
Ahmed CHARAI

L’Europe est secouée par une crise aux effets multiples. Ses économies sont presque toutes en récession, le chômage y atteint des records, sans autre perspective qu’une austérité qui passe par la baisse du niveau de la protection sociale. Dans ces conditions, les extrêmes fleurissent. Les droites nationalistes ont acquis un statut de faiseurs de majorité. L’idée européenne est mise à mal et la xénophobie n’est plus un tabou. Dans les pays arabes, la Tunisie découvre que le mythe de la réussite économique de Ben Ali n’était qu’un mirage.

Les jeunes s’impatientent face à un exécutif qui tarde à remettre le pays en état de marche. En Egypte, la situation est encore pire. Les islamistes sont en conflit avec le Conseil militaire et une partie de l’opinion publique considère déjà que la révolution a été trahie. Quand on sait quel rôle joue l’institution militaire en Egypte, l’on ne peut qu’être pessimiste sur l’issue des joutes actuelles. Le pouvoir jordanien chancelle et le carnage continue en Syrie. En Lybie, par exemple, le terrorisme et la guerre civile sont plus qu’un spectre, un danger réel, dans un pays où toute la population est armée, sans avoir de projet commun, voire même un simple sentiment national.

Partout, on assiste à des convulsions qui fragmentent les sociétés, fragilisent les économies, obscurcissent les perspectives. L’Europe et le Sud de la Méditerranée sont notre environnement. On ne peut réfléchir et agir sans tenir compte de ces réalités. Il est vrai que le Maroc a passé l’année 2011 sans fracas. La nouvelle constitution et les élections qui ont suivi ont renforcé la stabilité au lieu de l’affaiblir. C’est un acquis exceptionnel qu’il convient de préserver. Le premier des devoirs c’est d’éviter les crispations inutiles, les recours à un discours dépassé où la menace l’emporte sur les propositions. Le Maroc est mûr pour un véritable débat public sur les deux projets de société en compétition, le conservateur et le moderniste. Encore faut-il que chaque camp s’assume pleinement et affiche son champ référentiel sans compromis, ni compromission. Ce n’est pas ce à quoi nous assistons.

Les polémiques actuelles ne relèvent que de la politique politicienne au détriment du jeu institutionnel. Pourtant, tous les acteurs s’accordent à dire que la réussite de l’expérience actuelle est une nécessité pour la construction démocratique, seul gage contre l’extrémisme. Les convulsions qui secouent tout notre environnement, y compris l’Afrique subsaharienne, nous imposent une extrême prudence. D’abord, sur le plan politique, en évitant toute fragilisation des institutions et en militant pour un débat serein à même de mobiliser les citoyens dans le cadre de la démocratie. Ensuite, sur le plan économique, il est urgent de prendre en considération le fait que nos marchés traditionnels sont en contraction, que cette situation va durer pendant quelques années et qu’il nous faut aller chercher la croissance là où elle se trouve, c'està- dire dans les pays émergents. Le Maroc ne peut se comporter comme une île isolée.

Les politiques publiques, les programmes établis pour la décennie, l’ont été dans le cadre de prévisions qui ne sont plus d’actualité. Il serait suicidaire de ne pas prendre en compte les changements intervenus. C’est cette réflexion qui devrait animer le cabinet du chef de gouvernement. Mais pas seulement. Tous les Marocains sont interpellés. пхукет дайв сайты