« La légalisation du cannabis n’est pas viable »

L’Observateur du Maroc.

Quelle est la position de l’Agence du Nord concernant le débat actuel sur la légalisation du kif et son possible usage industriel ?

Khalid Benomar. Il n’est pas de notre ressort de décider s’il faut légaliser ou pas le cannabis, sauf que nous nous intéressons au grand débat actuel.

Nous portons un intérêt particulier au modèle économique de la légalisation et pour savoir s’il est viable ou pas.

Et quelle est votre réponse ?

Vues nos études menées depuis 15 ans sur ces questions, il s’avère qu’économiquement la légalisation n’est pas viable.

Quelles étaient les autres conclusions de ces études ?

 Une dizaine études ont été menées sur le sujet pour définir les filières agroindustriels possibles du cannabis.

Nos conclusions montrent l’agriculteur à plus d’un intérêt de produire du kif dans les conditions actuelles.

Donc, l’usage industriel et thérapeutique n’est pas possible au Maroc ?

Ces pistes sont très mal étudiées au Maroc.

Les hypothèses sur l’usage alternatives sont à relativiser.

Que le débat politique existe c’est une bonne chose, sauf qu’il faut revenir à la réalité des chiffres.

Il faut savoir que la culture du cannabis au Canada, par exemple, se fait dans des conditions hypermodernes.

Nous sommes bien loin des parcelles de terre de moins d’un hectare.

Donc, les avantages compétitifs de ces pays font qu’ils ont une longueur d’avance sur nous.

Nous recommandons que ces pistes soient étudiées finement pour trouver des créneaux fiables.

Vous avez lancé en 2009 un programme de cultures alternatives pour remplacer le kif, quel bilan faites-vous de cette action ?

Suite à cette expérience nous sommes arrivés à trois conclusions.

La première est que les cultures alternatives vivrières ne sont pas rentables pour ces agriculteurs.

Ceci s’explique par la taille réduite des exploitations.

Seul le kif permet par sa forte valeur ajoutée de créer un fort rendement à ces populations sur de petites exploitations.

Deuxième conclusion, le passage par l’agrégation des exploitations et la possibilité de transformer les récoltes peuvent viabiliser ces alternatives.

Troisième conclusion, la région n’a pas besoin que de cultures alternatives mais d’un développement alternatif, basé sur un programme global qui comprend les infrastructures et des unités de transformation agricoles.

À ce moment, ces cultures nouvelles peuvent avoir un sens.

Je rappelle que dans les conditions actuelles ce pari est difficile à gagner.

Ce programme est-il toujours proposé aux agriculteurs ?

Oui, il est toujours en cours.

Il fait parti d’un programme développement intégré (2009-2013) dédié aux régions de la culture du cannabis.

Ce plan a eu un impact très positif sur les indicateurs de la santé et de l’éducation.

Pour le volet culture alternative, le bilan est mitigé.

Le gouvernement a lancé également une politique d’éradication du cannabis en 2005, quelle votre bilan ?

Cette stratégie n’est pas également de notre ressort.

Par contre, notre programme de développement intégré devait accompagner cette éradication.

La philosophie était d’accompagner l’éradication en crédibilisant l’action de l’Etat par la proposition d’alternatives.

Après des années, on s’est rendu compte que la solution n’est pas d’éradiquer le cannabis et laisser les agriculteurs dans le dénuement.

Il faut éradiquer, peut être, tout en créant un développement alternatif qui comprend un programme d’infrastructures routières et de bases afin de créer les préalables d’un minimum de développement humain ❚

 

Lire aussi :  

http://lobservateur.info/2014/04/24/dans-les-regions-du-cannabis-sur-la-piste-des-48-000-wanted/

http://lobservateur.info/2014/04/24/eradication-ou-legalisation