De la Justice
Ahmed CHARAI

Alors qu’il faisait partie des sages de la HACA, feu Mohamed Naciri avait en charge le dossier de medradio. J’ai pu constater dans ces rapports et dans nos différents contacts les qualités humaines, la compétence ainsi que la stature d’homme d’Etat du défunt. Le meilleur moyen de lui rendre hommage c’est de parler du combat de sa vie, celui de la réforme de la Justice. En tant que ministre, feu Naciri avait élaboré un projet qui a eu l’assentiment de tous les intervenants du pouvoir judiciaire.

Malheureusement, il n’a pas eu le temps de mener à terme cette réforme. De telle manière que même aujourd’hui, elle reste au stade de projet, alors qu’elle conditionne la construction de l’Etat de droit et que sans sa réussite, des valeurs comme la démocratie, la citoyenneté et l’égalité perdent de leur sens. Ce n’est pas un chantier facile. Pour preuve, feu Hassan II avait annoncé la réforme de la Justice en 1988.

Une justice indépendante, efficiente, agissant avec célérité est un objectif qui recueille le plus large des consensus, mais qui bute sur des réalités. Cependant, il y a des mesures qui doivent être prises immédiatement, parce qu’elles conditionnent tout projet réformateur et qu’elles ne sont que d’ordre matériel. Si l’Exécutif a réellement pour objectif de réformer la Justice, alors il doit dégager ces moyens matériels. Il est scandaleux de voir que les tribunaux marocains ne disposent pas d’une structure minimale permettant un fonctionnement normal.

Il suffit de faire un tour au tribunal pour voir des salles surchargées, des avocats qui n’arrivent pas à se faire entendre, faute de sonorisation adéquate, et une sécurité très aléatoire… Plusieurs juges se sont fait agresser en pleine audience. Ces mêmes juges, que la vox populi accuse de tous les maux, sont le corps d’élite le plus maltraité du pays. Il faut savoir qu’un juge, qui a effectué au minimum sept années d’études après le Bac, entame sa carrière avec un salaire de 5000 DH et la termine, s’il réussit, à 18.000 DH. Alors que dans d’autres pays, il a droit à un chèque en blanc.

Le législateur interdit aux juges d’habiter dans des zones populaires, de fréquenter les lieux trop publics, mais comment habiter en zone résidentielle avec un salaire de 5.000 DH ? Les auxiliaires de Justice ne sont pas mieux lotis. Les tribunaux marocains ne sont pas informatisés. En 2012, c’est une blague. Parler de la corruption dans ces conditions, c’est oublier que l’intégrité n’est demandée qu’à ceux qui assurent leur propre dignité. Il est évident que la réforme de la Justice est un travail législatif qui nécessite de l’endurance et que ce cadre est nécessaire. Mais il est tout aussi évident que sans changer les conditions de travail, on ne peut avoir l’adhésion ni des juges, ni des auxiliaires de justice. Or, ce sont eux, les premiers, qui forment l’appareil judiciaire. отдых в турции в мае