Étudiantes le jour, prostituées la nuit

Situé au cœur de Rabat, à proximité de l’Agdal et non loin du quartier huppé Hay Riad, le célèbre campus de Madinat Al Irfane (littéralement : la ville du savoir), qui regroupe certaines des plus grandes universités et écoles du pays, est aussi un endroit convenu pour des rendez-vous des plus hots.

C’est sur l’avenue Allal El Fassi, principale artère de la cité, que tout se passe. Ici, de jour comme de nuit, que les étudiants aient cours ou pas, on ne chôme pas. De jour, les fans du wifi s’agglutinent autour d’une table dans l’un des cafés ouverts au sein de l’espace commerçant du campus qui est à quelques pas du siège du ministère de la Communication. Tous ne viennent pas pour effectuer des recherches académiques. Pour certaines étudiantes, la «chasse» commence dans le monde virtuel. Non pas seulement à travers Facebook et autres sites de rencontres, mais également à travers le Bluetooth de leurs téléphones mobiles.

Un moyen qui leur permet d’afficher leurs numéros de téléphone pour les «dragueurs de nouvelle génération» utilisant eux aussi le même moyen pour avoir des «num open». Le procédé est connu dans différents campus et divers lieux fréquentés par les jeunes, étudiants ou pas. Par ce biais, des contacts sont vite établis et le passage à l’action est vite décidé. Par action, certains entendent des «rencontres amoureuses», voire sérieuses, mais il n’y a pas que cela. Certaines étudiantes soumettent leur corps à la vente par ce moyen devenant ainsi, en plein jour, des «prostituées 3G». En dehors des connexions dans les cafés, l’avenue Allal El Fassi connaît des «défilés » incessants.

Sa proximité avec la cité universitaire internationale, de la cité universitaire Souissi 1 et 2 et des internats des grandes écoles de la capitale en fait un endroit fortement fréquenté et très prisé par les étudiants marocains et étrangers. Certes, les étudiants des deux sexes, qui courent d’un cours à l’autre et qui n’ont pas de temps à perdre, sont nombreux. D’ailleurs, lorsque l’on discute avec eux, l’on constate que toute leur attention va à leurs études.

Il est important de signaler tout de même que ce n’est pas le cas de nombreux autres étudiants. Ces derniers ont tendance à faire les quatre cents coups pour se faire plaisir. Cela va des partouzes à la coke, en passant par le haschisch et autres drogues douces dont le «maâjoune».

Vivant surtout la nuit, ces cercles sont étiquetés «clubs de riches» puisqu’ils peuvent se permettre de se payer autant de coûteux plaisirs. Sur l’avenue Allal El Fassi, la nuit appartient aussi aux étudiantes qui se transforment en vendeuses de plaisir, et qui se justifient chacune à sa manière.

«J’ÉTUDIE LE JOUR, JE ME PROSTITUE LA NUIT»

Originaire de Tiflet, Siham est étudiante en 2e année à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II à Rabat. Du haut de ses 21 ans, la jeune fille est d’une beauté sidérante. Elle est l’aînée d’une fratrie de sept enfants. Ayant toujours vécu dans le besoin, sa famille n’arrive pas à subvenir aux exigences de tous ses membres. «Ma mère est femme au foyer et mon père est simple chaouch dans une collectivité locale. Mes trois derniers frères vivent chez ma tante à Casablanca, tandis que mes parents tentent tant bien que mal d’élever les trois autres», raconte Siham, en larmes. Depuis son jeune âge, elle s’est promis de briller dans ses études pour échapper à la précarité dans laquelle elle vivait. «Je n’en pouvais plus d’être pauvre. Toute notre existence tournait autour du manque d’argent, de la misère et des problèmes. Ce n’était plus une vie !», se plaint la jeune fille, dégoûtée. D’ailleurs, elle se prend en charge depuis son installation à la cité universitaire à Rabat. «Mes parents ne m’envoient rien. Ils estiment que je suis désormais responsable et qu’il est temps que je me prenne en charge. Je faisais le ménage chez une famille au quartier Agdal à chaque fin de journée en contrepartie d’une somme dérisoire et l’une de mes tantes vivant à Agadir m’envoyait chaque mois une somme modique pour m’aider à subvenir à mes besoins», ajoute-t-elle. A quelques mois de la fin de sa première année universitaire, Siham commençait à penser au triste été qui l’attendait chez ses parents puisque l’année scolaire ne reprenait qu’au mois de septembre. C’est à ce moment là qu’elle a fait la connaissance de trois filles de Casablanca, ses voisines de chambre. «Je les enviais parce qu’elles avaient toutes les commodités. Elles ne manquaient de rien. Pourtant, elles étaient issues d’un quartier très précaire de Casablanca», s’étonnait Siham. Finalement, la jeune étudiante a compris : quand ces copines avaient besoin de quelque chose, il leur suffisait d’appeler l’un de leurs hommes qui répondent de suite à leurs besoins. Si Siham avait refusé au début la proposition de se joindre à ces amies, elle n’a pas pu résister longtemps à la tentation. «Je suis finalement tombée dans le piège de la prostitution. C’est un cadeau empoisonné mais qui, finalement, m’a sauvé des griffes de la misère. Aujourd’hui, je dois reconnaître que ma situation financière s’est beaucoup améliorée. D’ailleurs, je ne me suis jamais rendu compte de l’effet que j’ai sur les hommes jusqu’à ce que j’intègre ce monde», assure-t-elle, toute fière. Livrée à elle-même, elle craque face à la pression de ses mauvaises fréquentations. Alors qu’elle ne sortait, au début, que deux fois par semaine pour dénicher des clients, les sorties sont devenues de plus en fréquentes par la suite. Il y a même des semaines où elle sort chaque soir. «Lors des périodes d’examens, je préfère m’enfermer chez moi pour réviser», nuancet- elle. Après avoir accumulé quelques mois d’expérience, Siham se considère comme une vraie professionnelle du sexe. Sauf qu’elle refuse de «travailler» au sein du campus pour «ne pas salir sa réputation». «J’arpente les rues de Rabat et je me dirige directement vers les night clubs et les bars pour rencontrer mes proies, loin du campus. Avec le temps et l’expérience aidant, c’est devenu plus facile pour moi d’aborder les clients», confie-t-elle. Aujourd’hui, la jeune étudiante envoie de l’argent à sa famille, au grand bonheur de ses parents qui l’acceptent sans poser de questions. Pour eux, leur aînée travaille dans un centre d’appels durant son temps libre… «Ils sont fiers de moi et le crient sur tous les toits. Si elle apprenait ce que je fais en réalité, ma mère se suiciderait », chuchote Siham, les yeux baissés. La jeune étudiante reconnait qu’elle ne se livrer plus maintenant au premier venu, comme le font la plupart des étudiantes qui se prostituent. Elle préfère plutôt un certain genre d’hommes capables de répondre à ses exigences. Pour Siham, ses avenues fétiches restent le grand boulevard Fal Ould Oumeir, l’avenue Al Abtal ou encore Omar Ibn Khattab, tous situés à l’Agdal. «Ce n’est pas trop loin du campus et donc c’est facile pour moi d’y aller», explique la jeune étudiante. Lorsqu'elle quitte sa chambre aux environs de 23 heures, c'est pour rentrer à 5 heures ou 6 heures du matin. Vêtue de pantalon moulant, de minijupe ou de robe qui laissent entrevoir ses rondeurs, elle ressemble à tout sauf à une étudiante... et elle l’assume. En grillant une cigarette, elle se rappelle d’ailleurs le jour où l’un de ses professeurs l’a accostée un soir à l’avenue Al Abtal. «Il ne m’a pas reconnue et c’est tant mieux. D’ailleurs, j’ai refusé de lui parler. C’est mon professeur tout de même !», lance-t-elle.

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