Place aux actes
Ahmed CHARAI

 

Lors de son passage devant la Chambre des conseillers, le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane a renouvelé son discours sur la lutte contre la corruption et le népotisme. Son parti en avait fait son slogan principal lors de la campagne électorale et ses députés continuent à en faire l’axe de leur action politique. C’est un thème qui fait l’unanimité, mais ce combat n’est pas une question simple et les discours ne suffisent pas. A force de parler de «crocodiles», le chef du gouvernement donne l’impression d’accuser des circuits précis. Si tel est le cas, il devrait agir contre eux au lieu de se plaindre à chaque reprise. Il faut instaurer des procédures assurant la transparence de la dépense publique et l’équité des marchés, tout en donnant du sens aux démarches administratives.

Les gouvernements précédents, depuis Abderrahmane Youssoufi, ont mis en place des politiques allant dans ce sens. Un Conseil de lutte contre la corruption et un autre de la concurrence ont été créés à cet effet. Ce dernier doit d’ailleurs changer de statut pour avoir plus de poids. Les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Il faut d’abord dresser le bilan et opérer le travail législatif nécessaire pour corriger les faiblesses du dispositif. Abdelilah Benkirane le dit lui-même, il y a un grave problème, la société a développé une large acceptabilité vis-à-vis des phénomènes déviants.

Pire, c’est le fonctionnaire intègre qui est mal perçu. Dieu ne donne les fèves qu’à celui qui n’a pas de dents, entend-on dire à son sujet. Cette acceptabilité est liée à l’ancienneté des moeurs utilisant le pouvoir pour l’enrichissement personnel. La lutte contre la corruption doit être présente dans toutes les réformes et un travail de sensibilisation des citoyens, mais aussi des entreprises, est primordial. Selon un sondage publié récemment, 64% des entreprises reconnaissent l’usage de la corruption. C’est un chiffre énorme qui illustre bien le manque d’éthique dans les affaires. L’une des idées avancées à plusieurs reprises : l’assurance contre toute poursuite accordée au corrupteur qui dénonce le corrompu.

L’existence d’une telle disposition agira comme une dissuasion puisque, même après la réalisation de la transaction, le danger de la dénonciation persistera. A force de répéter le même discours, l’opinion publique commence à douter du sérieux de la démarche, de la volonté politique, de la perspective d’un réel combat contre un mal qui gangrène l’économie nationale, les services publics en particulier. Le ministre en charge de la bonne gouvernance doit, en principe, diriger ce combat. Six mois après son installation, il est temps qu’il passe aux actes. Des textes de loi doivent être élaborés. Les procédures existantes doivent être réexaminées dans le sens d’une plus grande fluidité et d’une transparence absolue.

Dans le discours actuel, on mélange tout, la corruption, la rente et même les hauts salaires. C’est une erreur qui vide le discours de tout sens. Les attaques répétées contre les hauts commis de l’Etat «coupables» de percevoir de hauts salaires sont porteuses d’un danger, celui de la fuite des compétences vers le privé ! Ce combat est nécessaire, c’est la première revendication populaire. Il ne peut être que de longue haleine et nécessite la mobilisation de tous les départements. De grâce, arrêtez les discours et entamez cette longue marche ! translate to english from finnish