Jamel Debbouze tombe le masque au Mazagan Nights

L’Observateur du Maroc. Six ans après 100% Debbouze, vous revenez avec votre nouveau spectacle Tout sur Jamel, pourquoi avoir attendu si longtemps ?

JAMEL DEBBOUZE. Je fais les choses par envie, je ne calcule rien à l’avance.

J’ai beaucoup joué mon spectacle et entre temps, j’ai monté un café théâtre, le Jamel comedy club.

Au bout de 6 ans, je suis revenu avec du nouveau.

De plus, je me suis marié avec une française et j’ai eu un enfant.

Aujourd’hui, j’ai des choses à dire sur le choc des cultures, la manière dont les français nous voient et la manière dont on voit les français.

Quand nos deux familles se sont rencontrées, c’était bizarre, ma belle famille pensait qu’on les jugeait, nous, on les jugeait ; nous, on croyait qu’ils avaient peur de nous, eux, ils avaient peur de nous.

C’est triste que la mixité soit encore un sujet actuel de nos jours.

Pour moi, c’est plutôt l’avenir du monde.

Le thème du racisme revient souvent dans vos spectacles, c’est un sujet qui vous touche particulièrement ?

On m’agresse avec ça depuis que je suis tout petit, donc, j’essaie de m’en défendre du mieux que je peux.

Si je ne m’étais pas fait insulter avant d’être connu, je n’en parlerais pas.

C’est une injustice que je dénonce et mes vannes sont pour moi, un moyen de communication extraordinaire.

Dans mes spectacles, j’essaie de rassembler, de faire en sorte que les gens arrêtent de montrer du doigt, de créer des clans, d’avoir peur de l’autre et de l’étranger.

Que pensez-vous de la montée du Front National en France ?

La France n’est pas raciste, elle vit la misère.

Ce sont des gens qui souffrent qui votent le FN.

Je pense plutôt que les médias cherchent à nous monter les uns contre les autres.

Le FN qui s’installe, ce n’est pas bon, mais pour moi, c’est le chômage qui s’installe, c’est cela qu’il faut retenir.

On a peur de la différence, mais ce n’est pas pour autant qu’on est raciste !

Vous avez découvert plusieurs humoristes grâce à votre Jamel Comedy Club, envisagez-vous d’en faire autant au Maroc ?

C’est ce qu’on fait avec le Marrakech du rire.

On a lancé des artistes (Eko, Miz, ou Abdelkader secteur,...) qu’on suit régulièrement.

Mon rêve, c’est de monter un Jamel comedy club à Casablanca, comme à Paris, parce qu’il y a un potentiel extraordinaire non exploité et un vivier de fous qui s’exporte très bien à l’étranger.

Il y a aussi des scènes ouvertes qu’on lance avant les festivals, il y a tout un travail de tri qu’on fait sur le net, puis d’accompagnement.

Ça fait longtemps que je cherche sur Casa un théâtre pour monter le Jamel Comedy Club.

On vous fait souvent la remarque sur le prix de vos billets ?

J’ai fait une tournée à travers toute l’Afrique, et on m’a toujours reproché la cherté de mes billets.

On n’a pas d’infrastructures au Maroc pour accueillir des spectacles comme le mien, de plus, il n’y a pas de Zéniths en Afrique pour accueillir 5000 places et plus, pour permettre à des gens populaires d’accéder au spectacle.

J’ai toujours oeuvré pour faire des places accessibles à 30 euros, mais on est malheureusement tributaire des infrastructures sur place.

On ne peut pas attendre les festivals pour faire des spectacles en plein air.

Humoriste, acteur, producteur, où est ce que vous vous sentez le plus à l’aise ?

Là où je me retrouve le plus et qui me procure beaucoup de plaisir, c’est sur scène.

J’espère en faire toute ma vie.

Le cinéma, c’est différent, c’est très découpé et il n’y a pas de rapport au public.

Qu’est ce qui a changé en vous après votre mariage ?

Rien.

Dès que je vais changer, ma femme va se barrer, donc, je ne change rien (rires).

Pas grand-chose, si ce n’est que maintenant, j’ai plus le sens des responsabilités.

Ce que vous aimez chez votre femme Mélissa Theuriau?

Tout.

Sa marocanité, elle adore ma françabilité, on est très complices là-dessus.

Son père est né au Maroc, il a passé 17 ans à Rabat, donc, elle est un peu marocaine.

Je suis très chanceux d’avoir une femme très ouverte et très intelligente.

Aimeriez-vous que vos enfants soient des artistes ?

J’aurais peur que mes enfants deviennent des artistes, c’est un métier incertain, mais s’ils en ont envie, je serais fier et je les soutiendrais de tout mon coeur.

On est tous des artistes autant que nous sommes, on a tous parlé à son miroir en cachette, mais de là, à passer le cap et à travailler un spectacle et le montrer à un public, c’est assez dur.

Est-ce que vous faîtes rire vos enfants ?

J’essaie de les faire rire, en détournant des chansons des cantines, en changeant des mots, …c’est très dur et très frustrant pour moi de ne pas parvenir à les faire rire.

Les enfants sont le public le plus dur au monde, surtout les miens, mais je me démerde pas mal.

Est-ce que ça change la vie, le fait d’avoir des enfants ?

Ça change toute la vie, on est dans un autre monde.

C’est un moteur extraordinaire, je pars moins vite de la maison et je rentre beaucoup plus vite.

Vous vous sentez plus français ou plus marocain ?

Je suis incapable de choisir entre ma mère et mon père.

C’est du 50-50.

Où en est votre projet du désert hollywoodien ?

On a essayé de lancer le projet en 2001, juste avant les attentats du 11 septembre, et depuis, l’image des arabes dans la planète a changé radicalement.

On a beaucoup plus de mal à monter des projets, même si tout cela est derrière nous.

Avant, tous les investisseurs étaient d’accord, après les attentats, on a eu des difficultés à rassembler les forces pour ce projet.

Et même le Marrakech du rire n’a pas été un festival facile à monter.

Il faut toujours redoubler d’efforts ❚