Rassembler et non pas diviser
Ahmed CHARAI

Comme à l’accoutumée, la loi des Finances donne lieu à des controverses. Ce texte présente les politiques publiques que l’Exécutif compte mettre en oeuvre et détaille les moyens qu’il veut mobiliser. Comme dans toute démocratie, il est normal que les institutions catégorielles s’expriment pour défendre leurs intérêts. C'est-à-dire ceux de leurs adhérents, en particulier syndicats et patronat expriment leurs points de vue, nécessairement divergents. D’aucuns veulent politiser ces réactions et faire des positions de la CGEM une défiance de la bourgeoisie vis-à-vis des islamistes.

C’est à la fois faux et dangereux. Faux parce que depuis des décennies, quelque soit la couleur du gouvernement, la CGEM réclame une baisse de la pression fiscale, un plus grand équilibre dans les rapports du fisc avec les contribuables, une plus grande flexibilité du droit du travail, une refonte de la justice et une meilleur adéquation de la formation. Il suffit de relire les archives pour s’en convaincre. La CGEM défend donc les intérêts et la vision du patronat, et c’est exactement sa vocation.

C’est dangereux parce que, depuis plusieurs mois, le discours ambiant, populiste, tend à stigmatiser les nantis au nom d’une vision peu rationnelle de la justice sociale. On a vu, ailleurs, les ravages provoqués par un discours qui exacerbe les antagonismes, la haine entre les classes sociales. Il est normal d’exiger du patronat des efforts en temps de crise, un attachement à la solidarité sociale, base de la stabilité politique, un engagement citoyen. Bien entendu, il faut sauvegarder les ressorts du développement.

Lutter contre la précarité, de manière durable, c’est d’abord créer des richesses, des emplois, ce qui passe par les entrepreneurs. Stigmatiser ceux-ci, créer ou maintenir une ambiance délétère, c’est décourager l’investissement et approfondir les distorsions sociales. Chez nous, le mot lobbying est péjoratif et renvoie toujours à des manoeuvres occultes pour des intérêts inavouables. Or, en démocratie, tous les groupes font du lobbying par le biais de professionnels, pour infléchir des politiques publiques dans un sens favorable à leurs intérêts.

C’est une dimension du débat public importante, parce qu’elle permet une plus grande aisance dans la prise de décision, de manière à ce que celle-ci mobilise une majorité de soutiens. Le rôle d’un Exécutif, quelque soit sa couleur politique, c’est d’assurer la cohésion sociale, de rassembler autour d’un projet, au-delà de ses électeurs. Seuls les régimes autoritaires rejettent toute critique, toute voix dissidente. Au Maroc, notre choix démocratique doit nous permettre d’accepter la diversité, y compris la défense d’intérêts catégoriels légitimes. Il faut dépolitiser ce débat, le dépassionner. C’est une exigence politique et économique каркасный дом с гаражом