Casablanca bloquée, que faire ?

Au bout de trois ans de galère à cause des travaux du tramway, les Casablancais auront enfin droit à ce mode de transport. Une solution parmi d’autres qui devrait façonner le nouveau visage de la métropole, décongestionner la circulation infernale et réduire les taux inquiétants de pollution. Tant de maux qui rongent la ville et empoisonnent la vie de ses habitants.

Par: Hayat Kamal Idrissi

Darlbeida dites-vous ?

La Ville Blanche serait-elle un point noir en termes environnementaux ? Le fleuron économique du pays est en effet victime de son propre succès. Les différentes études scientifiques le confirment. Une menace lourde pèse sur la ville et sur la santé de ses habitants qui souffrent de plus en plus de maladies respiratoires et autres maux chroniques. Le coupable ? Les taux élevés de pollution causés par les zones industrielles, le parc automobile vétuste, la gestion « défaillante » des déchets, sans oublier le manque flagrant de civisme chez bon nombre d’habitants.

« La vie à Casablanca est devenue insoutenable. La ville compte plusieurs points noirs et les problèmes environnementaux se multiplient avec une forte pollution de l’air et de l’eau », s’insurge le Pr Saïd Sebti, président du réseau Casa environnement. Rappelons que ce réseau regroupe plus de 50 associations œuvrant dans le domaine de l’environnement et le développement durable au niveau du Grand Casablanca. Le constat du Pr Sebti est d’ailleurs confirmé par les rapports de la direction de la météorologie nationale. Ces derniers démontrent que la qualité de l’air à Casablanca est en dessous de la moyenne. La station de mesure de la qualité de l’air, installée au club ONCF d’Aïn Sebaâ, enregistre des dépassements réguliers des seuils nationaux d’information et d’alerte. D’après ces mesures, la concentration horaire maximale de dioxyde de soufre (SO2) est alarmante et suscite beaucoup d’inquiétude quant aux effets néfastes de ce polluant sur la santé.

Notons que le SO2 est responsable de nombreux troubles respiratoires. Il provient de combustibles fossiles contenant du soufre (fuel, charbon) et il est détecté principalement dans les zones industrielles. Son importante concentration à Aïn Sebâa s’explique par l’installation de la zone industrielle et par la proximité de la station de Samir à Mohammedia.

Un autre coupable est pointé du doigt lorsqu’il s’agit de trouver des explications à la « disqualification » environnementale de la Ville Blanche. D’après une étude éco-épidémiologique menée en 2008 par le ministère de l'Aménagement du territoire, de l'Urbanisme et de l'Habitat, la vétusté du parc automobile serait, en partie, à l’origine du taux élevé des polluants dans l’air. Avec une forte proportion de moteurs diesel, le parc casablancais compte plus de 900 000 véhicules, dont une grande partie aurait plus de dix ans.

Quid de l’insécurité ?

Une situation qui se répercute sur la qualité de vie dans la plus grande ville du Royaume. Un sacré paradoxe qui fait d’ailleurs beaucoup d’insatisfaits. Pour Mustapha Rahine, membre du Conseil de la ville, Casablanca souffre surtout d’une infrastructure défaillante qui ne suit nullement à sa perpétuelle évolution. S’ajoute à cela la gestion d’une circulation monstre qui a été aggravée davantage avec les travaux du tramway lancé en mai 2009. Le chantier qui, reconnaissons-le, a respecté jusqu’à maintenant les délais annoncés, n’était pas sans répercussions sur la circulation devenue de plus en plus infernale sur la majorité des artères principales. Si les plus optimistes tablent sur une considérable décongestion après la mise en marche du tram, d’autres craignent le pire. « Ce n’est pas évident que les gens déposent leurs voitures pour prendre le tramway. Ce dernier reste un moyen de transport en commun avec tous les risques sécuritaires que l’on connait », s’inquiète ce cadre d’une société sise Bv Zerktouni. Des craintes que beaucoup de Casablancais partagent et que les responsables essaient de calmer en annonçant d’ores et déjà l’affectation de 200 policiers à bord du tram pour assurer la sécurité et avorter les manigances des redoutables pickpockets très actifs dans les bus de la ville.

Un autre point qui rajoute au mal être des Casablancais et qui rappelle la grande problématique sécuritaire dans la ville : malgré les efforts déployés dans ce sens par la sureté nationale, les rues de la ville n’ont rien de rassurant pour ses habitants. Vols à l’arrachée, agressions diverses, trafics de drogues et de spiritueux… Marcher dans la cité devient un parcours du combattant. « Être agressée par un voleur est une hantise chez moi. Chaque jour, sur le chemin du travail, je pense à comment éviter d’être blessée au cas où je fais cette malheureuse rencontre. Les récits de viols et de vols autour de moi me plongent dans cette attitude devenue paranoïaque avec le temps », confesse Latifa, employée dans un centre d’appel à BV Abdelmoumen et habituée des bus casablancais.

Casablanca ou Casanegra ? Les responsables et les habitants de la métropole devront faire le choix. Il en va de la qualité de vie et du bien-être de « 6 millions si ce n’est plus d’habitants » comme le dit si bien son maire Mohamed Sajid.

Issues de secours

Au réseau Casa Environnement, l’heure est à l’action. Au lieu de constater et de s’éparpiller dans une lutte globale contre la pollution, les associations affiliées ont décidé d’identifier les points noirs les plus touchés de la métropole et d’élaborer une stratégie basée sur une feuille de route verte. D’après son président, le Pr Saïd Sebti, cette feuille propose différentes pistes de solutions pour la situation devenue critique. Cela va de la sensibilisation au recyclage, en passant par la formation, la réhabilitation et la création d’espaces verts. « Cette feuille est adressée à toutes les associations actives sur Casablanca, aux pouvoirs publics et aux industriels qui ont une part de responsabilité dans la gestion environnementale de la ville », explique le Pr Sebti tout en insistant sur le facteur proximité par rapport aux populations. « C’est là où réside la force des associations affiliées. Et c’est ce qui nous aidera, dans le réseau, à mener à bien toute action », résume-t-il.

Il s’agit d’un projet de dépollution de la région Est de Casablanca. Il s’étale sur une longueur de 24 km entre la métropole et Mohammedia et va permettre à la ville de disposer de plages propres tout en valorisant la région Est. Mohamed Sajid, maire de Casablanca, a annoncé en marge de la présentation de l’état d’avancement du projet, que ce dernier a nécessité un investissement de 1,4 milliard de dirhams, assuré à 70% par le délégataire Lydec. Le maire a également annoncé le 14/12/2014 comme date butoir pour la mise en service de cet ambitieux projet. Notons que cette initiative tombe à point nommé vu que la zone (avec ses effluents à dominance industrielle) n’a jamais disposé de système de dépollution et de protection des plages. Ce projet vise ainsi à intercepter les rejets directs d’eaux usées, à les prétraiter et les écouler à travers un émissaire marin. D’après Sajid, une fois les travaux achevés, d’autres projets seront envisagés pour la réhabilitation de cette zone. À suivre… стоимость контекстной рекламы