Reportage : Dans les coulisses du Bulletin Officiel

Le Bulletin Officiel du Maroc fête ses 100 ans cette année. L’Observateur vous invite à une visite guidée, exclusive, dans les locaux de la plus officielle des publications du Royaume.

Par : Salaheddine Lemaizi

Le siège de l’Imprimerie officielle, sis boulevard Yacoub El Mansour à Rabat, est nu. Ici, nul ne place de fioritures. Les murs sont peints d’un blanc cassé, le mobilier de bureau est réduit à sa plus simple expression et le personnel s’attelle avec minutie à la fabrication des publications officielles. L’austérité du lieu rime avec la précision de la mission accordée à cette direction.

Relevant du Secrétariat général du gouvernement (SGG), cette institution autonome est chargée de la confection, de la diffusion des cinq éditions du Bulletin Officiel (BO) et de l’exécution des travaux d’impression pour le compte des administrations publiques. 60 000 documents sont imprimés chaque mois dans cet établissement. L’an dernier, dans le contexte de la révision constitutionnelle, les services du BO ont été très sollicités. En 2011, la production moyenne de pages par numéro a dépassé les 6 000 pages, soit le plus grand volume depuis l’indépendance. Ce bulletin est la voix et la vitrine du droit marocain.

Un BO, cinq éditions

Le BO a ses quartiers dans cet édifice de deux étages depuis 1928. Au RDC, se trouve l’atelier. Les rotatives offset, servant au tirage des publications, se préparent à l’arrivée du bon à tirer pour commencer le travail. En attendant, les techniciens s’appliquent à terminer des commandes du SGG. Durant cinquante ans, ces machines ont imprimé tout ce que le Maroc comptait comme documents officiels. Tout y passait : passeports, permis de conduire, carnets d’État civil, etc… « Aujourd’hui, avec la numérisation des documents, plusieurs de ces machines sont à l’arrêt et ça nous fait un manque à gagner dans nos recettes. Il reste que nous avons une mission de service publique », explique Mohamed Soussi, le directeur de l’Imprimerie officielle.

Le BO c’est cinq éditions. D’abord l’édition générale en langue arabe, paraissant les lundis et jeudis dans laquelle sont insérées les lois, les règlements et les accords internationaux adoptés par le Maroc. Ensuite, l’édition des résumés des débats de la Chambre des Représentants paraissant chaque mois. Les 3e et 4e éditions sont très prisées par les milieux d’affaires. Paraissant chaque mercredi, elles sont respectivement consacrées aux annonces légales, judiciaires, administratives et à l’immatriculation foncière. Enfin, la dernière édition est une traduction au français de l’édition générale.

Internet sonne-t-il la fin du BO papier ?

Le cœur du BO est au 1er étage, où se trouve le service des éditions du « Bulletin Officiel ». Dans les allées on croise les représentants d’entreprises venus déposer leurs annonces. Au fond du couloir, Jawad Benomar, chef de ce service, nous invite à la salle de photocomposition, une véritable fourmilière composée de techniciens chargés de la saisie et de la mise en page. Leur travail est acheminé à une équipe de correcteurs qui s’attèlent minutieusement à la relecture des textes avant parution. Par la suite, commence le traitement de la maquette dans un laboratoire.

Ce service équipé a connu plusieurs mutations. De la phase de linotype à l’informatisation, à partir de 1978, jusqu’à la numérisation actuelle, des générations ont travaillé dur pour confectionner le BO. Ahmed Al Khaloui est directeur du service de la production et de la distribution : « À une époque, le travail a été pénible. Les services du BO ont toujours été à la pointe de la technologie pour assurer la diffusion des textes dans les meilleures conditions ». Des appels d’offres sont prévus les deux prochaines années pour continuer à équiper l’établissement. Malgré ces efforts, la version papier du BO est menacée.

Vendue au grand public à 10 DH et disponible en abonnement annuel pour 400 DH, l’édition générale du BO en arabe est tirée à environ 2 000 exemplaires. Les recettes des 5 éditions devraient atteindre, en 2013, 2 millions de DH. Ces rentrées connaissent un recul notable, ce qui ne permet pas à cette publication d’atteindre une rentabilité financière, car ce sont les annonces qui drainent la majorité des recettes, soit plus de 10 millions de DH. L’équilibre financier est atteint grâce aux 13 millions de DH réservés par le SGG à cette direction. « Dans l’état actuel, il est difficile d’atteindre l’équilibre, surtout que la version électronique disponible gratuitement sur le site du SGG gagne du terrain et les abonnements sont en baisse », constate Soussi, directeur de l’Imprimerie officielle. Cette page a enregistré fin octobre 2012, 27 millions de visites.

La possibilité de la disparition de la version papier est même évoquée. L’Espagne a déjà cessé d’avoir un BO en papier et la France est en train de réduire le tirage considérablement. Le SGG prépare cette inéluctable transition. À l’occasion de son centenaire, le SGG annonce « la dématérialisation progressive de la chaîne de production du BO et ce, après diagnostic de la situation actuelle et détermination des conditions nécessaires à la réalisation de cette opération ». Il est certain que le bicentenaire du BO sera virtuel…

Encadré :

Histoire. Un pays, trois BO

Le 1er novembre 1912, le premier BO du « Gouvernement chérifien et du protectorat de la République française au Maroc » est édité à Casablanca. Lyautey est l’architecte de cette naissance. Un an après, l’Espagne, l’autre puissance coloniale présente au Maroc, publie « Le BO de la zone sous influence espagnole ». La zone internationale de Tanger s’est dotée également de son propre BO en 1926. Avec l’indépendance, l’État tente d’intégrer les trois éditions dans le « BO de l’Empire chérifien » avant de passer à l’appellation consacrée depuis 1957 : « BO du Royaume du Maroc ». Jusqu’à 1975, le Maroc disposait d’un BO en édition franco-espagnole. дом из панели