Mounir Bensalah, l’ingénieur aux 20.000 tweets

Par : Salaheddine Lemaïzi

Ces derniers mois, les journées de travail de Mounir se prolongent jusqu’à tard dans la nuit. Entre des heures passées sur le chantier du tramway de Casablanca et les réunions dans les locaux de l’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH) et de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) dont il est membre, cet ingénieur qui dirige le Business Unit Transport Ferroviaire & Urbain à Cegelec Maroc trouve le temps pour tweeter, bloguer et même écrire son premier livre : Réseaux sociaux et révolutions arabes ?

«Dans cet ouvrage, je reviens sur les débuts des blogs et des réseaux sociaux dans le monde arabe, en retraçant leur apport dans l’émergence d’une conscience collective chez les jeunes ayant réussi à dépasser le phénomène du révolté solitaire», nous confie l’auteur. Cet enfant de Kénitra réussit ainsi un joli coup en rendant hommage à ses amis e-militants du Maghreb et du Machrek. Issu d’une famille de classe moyenne «qui s’est appauvrie aux débuts des années 80», aime-t-il à préciser, Mounir Bensalah décroche son bac sciences maths et intègre l’Ecole Mohammedia des ingénieurs (EMI). Il est donc un pur produit de l’école publique et n’en cache pas sa fierté.

Dès ses débuts professionnels, Mounir se lance des défis géants. Il travaille sur des plateformes industrielles stratégiques du pays comme les ports, les chemins de fer ou récemment les tramways. «On est en train de vivre une sorte de trente glorieuses à la marocaine. Il est gratifiant de contribuer à des projets structurants», se réjouit-il.

«Science sans conscience n'est que ruine de l'âme», semble dire l’ingénieur en mettant sa casquette d’«agitateur d’idées». Il est parmi la première génération de blogueurs marocains. Son blog «Des Maux à dire» est l’un des plus lus de la Blogoma. Mounir est aussi l’initiateur, avec d’autres «camarades», de l’Espace de Casablanca de dialogue de gauche. «Au lieu de critiquer, je préfère contribuer à la vie de la communauté». Etre de gauche pour lui c’est «refuser le consensus dans une société ultraconservatrice, qui tue l’égo et le mérite». Au lendemain du congrès de l’USFP, il espère retrouver «une gauche réformatrice capable d’être réaliste sans faire de compromis». A travers son action politique, ce militant tente de répondre à cette question : «comment faire pour arriver à l’égalité des chances ?»

Au sein de l’OMDH où il a occupé le poste de Secrétaire général de la section casablancaise, il n’oubliera jamais ses rencontres avec des victimes des années de plomb. «Ce travail de mémoire est important pour retracer l’histoire de mon pays», insiste Bensalah. Avec son livre sur les e-militants, il veut réaliser un travail semblable. Une sorte de «e-mémoires» de huit ans d’écriture et de mobilisation en ligne. «Internet n’a pas de mémoire. La vie d’un tweet, par exemple, est très courte et il fallait écrire le parcours de cette génération», explique-t-il. Et d’ajouter : «Je veux aussi montrer qu’internet n’a pas fait la révolution mais il en a été un facilitateur».

Pour Mounir, 2011 est l’Année de la politique par excellence. «A travers le Mouvement du 20 février, les jeunes ont fait comprendre qu’ils sont politisés mais refusent la forme de l’exercice actuel de la politique au Maroc», observe-t-il. «Je ne sais pas si le Maroc va vivre une année pareille une nouvelle fois. C’était le temps du rêve et de l’espoir». Ce mouvement est inscrit dans les gènes de Mounir, il est né un certain 20 février.

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