Des armes et des larmes
Ahmed CHARAI

Le drame du Connecticut a brisé les coeurs, non seulement des Américains, mais de tout être humain sensé. Nul ne peut rester insensible au meurtre froid, gratuit de dizaines d’enfants, innocents, au sein même de l’enceinte scolaire, qui devait les préparer à la vie. Tous les parents, de par le monde, sous le choc des images, ont fait leurs ces enfants victimes de la barbarie absurde. Le discours de Barack Obama, l’émotion qu’il a suscitée ont donné à l’événement une gravité solennelle à la mesure de l’horreur et de son ressenti.

La problématique des armes à feu aux USA est très complexe. Le port des armes est un droit constitutionnel lié à l’histoire de la nation américaine et à la nécessité pour les pionniers de se défendre sur un territoire énorme que l’Etat naissant ne pouvait sécuriser. Le Lobby des armes, la NRA, est sans doute le plus puissant des USA, avec près de 50 millions d’adhérents et un budget de 200 millions de dollars par an. Bill Clinton avait juste réussi à bloquer la vente des armes d’assaut, ce qui a été abrogé en 2004. Il sera difficile pour l’administration actuelle, même sous le coup de l’émotion, de faire mieux en l’absence d’un véritable mouvement de fond en faveur de la prohibition ou d’un encadrement plus strict de la vente des armes. Focaliser sur les armes est le meilleur moyen de passer à côté d’une autre tragédie américaine.

Depuis quelques années, ce genre de fusillades incompréhensibles se multiplie. Ce sont souvent des individus en situation de détresse, livrés à eux-mêmes, qui se livrent à desmassacres en trouvant une arme à leur portée. Le plus souvent, il n’y a pas la moindre trace idéologique dans leur folie meurtrière. Juste une haine absolue de soi, de la société, des autres. La société américaine a beaucoup apporté à l’humanité en termes d’innovation, d’égalité des chances, d’attachement viscéral à la liberté, le fameux rêve américain. C’est pour cela que nous l’aimons. Mais cela ne peut occulter qu’elle est implacable avec les plus faibles. Le débat sur la protection sociale a démontré à quel point la notion de solidarité sociale organisée par l’Etat était difficile à imposer aux USA. C’est le principe de responsabilité individuelle qui prime dans l’inconscient américain. Les difficultés économiques ont installé des millions de foyers américains dans des situations très précaires.

Les tueurs fous en sont issus, mais pas seulement. Souvent, souffrant de troubles psychologiques, ils sont en réalité rarement suivis. Si cette absurdité doit servir à quelque chose aux USA, c’est peut-être à un vrai débat sur les filets sociaux et une meilleure prise en charge de la détresse individuelle face à l’exclusion économique. Des indicateurs tels que le degré de violences faites aux personnes ainsi que des crimes sont inquiétants depuis plusieurs années et ont augmenté de manière vertigineuse depuis la crise des subprimes. Il y a assez d’analystes, éclairés au sein de l’administration Obama pour faire le lien. Les parents des enfants assassinés auront énormément de mal à faire leur deuil parce qu’il n’y a aucune explication et encore moins de justification à la mort violente des leurs. C’est une vrai tragédie humaine à l’échelle collective. раскрутка сайта продвижение сайта