Entretien avec Mustapha El Khalfi Ministre de la communication et porte-parole du gouvernement : « Notre bilan est positif et de nombreux chantiers sont ouverts »
Mustapha El Khalfi

Entretien réalisé par Mohammed Zainabi

Quels sont les chantiers prioritaires que s’apprête à lancer le gouvernement en 2013 ? Pour répondre à cette question, Mustapha El Khalfi commence par donner les grandes lignes du bilan de la première année du gouvernement Benkirane. L’argument du ministre de la communication et porte-parole du gouvernement se veut implacable :

« Les chantiers à venir sont liés à ceux déjà lancés ». Et des chantiers, il y en une flopée. Le gouvernement a du pain sur la planche. Entretien.

L’Observateur du Maroc. Quelles sont les priorités du gouvernement dans l’immédiat ?

Mustapha El Khalfi. Avant de parler de nos priorités actuelles et celles à venir, il est essentiel de rappeler que de nombreux chantiers sont encore ouverts. Celui de la Justice est l’un d’eux et non des moindres. En tout cas, notre souci premier est de répondre aux attentes des Marocains et d’asseoir un réel équilibre social. C’est pour cela que le volet social demeure notre cheval de bataille. C’est pour cela aussi que les catégories défavorisées et celles vulnérables demeurent notre préoccupation majeure. D’où les mesures déjà prises concernant, par exemple, la revalorisation des plus faibles pensions de retraite servies par le RCAR, la couverture médicale universelle, la subvention du prix du pain, le soutien aux agriculteurs ayant souffert des effets de la sécheresse, l’application des décisions prises dans le cadre du dialogue social, la création du Fonds de solidarité familiale...

Vous communiquez beaucoup sur le volet social, quelle est la place de l’économie dans votre programme ?

Le développement économique est l’autre pilier sur lequel repose la politique gouvernementale. Le gouvernement a été confronté au problème du déficit commercial surtout avec la flambée du prix du baril de pétrole, au déficit budgétaire et à la faiblesse de la demande adressée au Maroc par ses partenaires européens souffrant de crise. Il se devait donc d’agir. Sa priorité a été de renforcer l’investissement public et d’encourager l’investissement privé. Résultat : les neufs premiers mois de 2012 ont connu une hausse de près de 16% des IDE au Maroc, en comparaison avec la même période de 2011. Dans le même élan, le gouvernement a répondu avec célérité aux demandes d’autorisation pour de gros investissements. Ainsi, des projets totalisant quelque 46 milliards de DH d’investissement ont été validés. Ce faisant, une attention particulière devait être accordée aux PME, avec la mise en application effective de la préférence nationale pour ce qui est des marchés publics. Pour ce faire, plusieurs textes ont été adoptés. Nous œuvrons également à encourager les partenariats public-privé puisque beaucoup reste à faire dans ce domaine. A ce sujet, un projet de loi est soumis pour adoption au parlement. Nous misons aussi sur la réhabilitation du tissu industriel.

En un an, le gouvernement n’a donc mené qu’un travail préparatoire dont les résultats concrets sont toujours attendus…

On peut dire que les effets des mesures que nous avons prises qui touchent aux volets juridiques et financiers peuvent ne pas être palpables maintenant. Mais, certains résultats concrets ont été déjà ressentis. C’est le cas notamment de la préférence nationale dans l’octroi des marchés publics. La plupart des marchés dans le département de l’Equipement, par exemple, avec ses 44 milliards de DH d’investissements, ont obéi à cette règle. Je peux aussi parler de la bonne gouvernance, la lutte contre l’économie de rente, la mise de l’administration publique au service des citoyens… Je dois aussi souligner que si ce n’était l’intervention du gouvernement pour l’application de la loi, des grèves allaient paralyser certains services publics vitaux comme la Justice, l’Enseignement ou encore la Santé…

Il n’empêche, nombreux sont ceux qui estiment que l’action gouvernementale souffre de lenteur, c’est ce que ne cesse de répéter Hamid Chabat, par exemple.

Nous ne craignons pas les critiques. Ce que nous devons éviter c’est que ces critiques perturbent l’action gouvernementale, ce qui est loin d’être le cas. Le fait est que la majorité a présenté des propositions communes concernant le projet de Budget 2013, par exemple, et qu’elle a voté pour ce projet comme pour d’autres. C’est ce qu’il faut retenir. Du reste, pour moi, la charte de la majorité est le seul cadre de référence pour traiter des remarques émises de la part de certaines composantes de la majorité.

Concernant la lenteur, c’est vrai que parfois on peut estimer qu’entre la prise de décision et l’exécution, il se passe beaucoup de temps. Exemple, la revalorisation des bourses des étudiants méritants a été décidée en mars, mais elle n’a été perçue par les bénéficiaires qu’en décembre. Soit neuf mois entre la prise de décision et l’application effective. Mais ce temps était nécessaire pour effectuer les harmonisations juridiques nécessaires. Ce n’est pas du temps perdu. Comme ce n’est pas du tout un temps perdu celui consacré au débat élargi relatif au code de la presse et de l’édition…

Concrètement, en 2013, le gouvernement va-t-il instituer l’indemnité pour perte d’emploi, va-t-il réformer les systèmes de retraite ?

Le dossier social comporte de nombreux volets. On ne peut pas parler isolément de la réglementation du droit de grève ou encore de la loi sur les syndicats. Mais c’est vrai que l’indemnité pour perte d’emploi est l’une de nos priorités.

Quelles sont les autres réformes prioritaires ?

Sans conteste, la réforme fiscale.

Cela veut-il dire que vous allez venir aux prochaines Assises de la fiscalité avec des propositions concrètes ?

L’évènement en lui-même est souverain. Mais je peux vous assurer que la réforme attendue sera entamée en 2013. Elle sera le fruit d’une large concertation et son application sera progressive. La réforme de la caisse de compensation s’impose aussi comme l’une des priorités majeures. On sait bien que l’objectif pour lequel a été créée cette caisse n’a pas été atteint, puisque ce sont les riches qui en profitent le plus.

Où en est la réforme des caisses de retraite ?

Cette année, l’Etat va injecter 12 millions de DH pour renflouer ces caisses. Mais injecter de l’argent, sans réformer le système en profondeur, ne fera que retarder le problème. C’est pour cela que la réforme suivra.

Qu’en sera-t-il cette année du chantier de la régionalisation ?

C’est un projet multidimensionnel. Sa mise en place sera entamée en 2013 et se poursuivra puisqu’il s’agit d’un long processus. Il va falloir mettre en place les institutions, organiser les élections...

Vous misez aussi sur l’emploi, qu’est-ce que vous allez faire dans ce domaine ?

Nous pouvons dire aujourd’hui que nous avons clarifié la situation concernant l’emploi dans la fonction publique avec la mise en application des règles de transparence. Maintenant, nous allons nous concentrer sur la mobilisation des investissements pourvoyeurs d’emploi. Il faut savoir que le Budget de l’ANPME a été quadruplé. L’objectif est de soutenir les PME et les TPE. Nous misons aussi sur l’amélioration des compétences et avons dédié 450 millions DH à la formation professionnelle et un milliard de DH pour le soutien de l’emploi. De même, la réhabilitation de l’industrie demeure un axe stratégique pour le gouvernement. L’adéquation de l’enseignement supérieur avec les besoins du marché est aussi un souci majeur. A titre indicatif, rien qu’au volet social concernant les étudiants, nous injectons cette année 200 millions de DH. Nous allons aussi régler le problème d’encadrement avec l’augmentation de 6% des effectifs des enseignants du supérieur et l’augmentation du nombre d’amphithéâtres et d’universités pour régler le problème de saturation.

Vous allez poursuivre en 2013 la politique de publication des listes ?

Il ne s’agit pas d’une politique à proprement parler. Notre volonté est plutôt d’asseoir les règles de transparence et de bonne gouvernance pour lesquelles nous nous sommes engagés dans notre programme gouvernemental. La finalité à travers la publication des différentes listes est de garantir l’égalité des chances entre les citoyens et la lutte contre l’économie de rente. Je rappelle toutefois que publier pareilles listes a commencé avant même l’arrivée du gouvernement actuel avec la diffusion des listes des bénéficiaires des terres de SODEA et SOGETA.

Après la publication des listes des bénéficiaires des agréments de transport routier de voyageurs entre les villes, est-ce que ce secteur sera libéralisé en 2013 ?

Le projet de cahier de charges est actuellement en discussion avec les différents syndicats concernés. Il s’agit d’une nouvelle base réglementaire qui devra encadrer l’octroi des autorisations de transport routier de voyageurs. Le même procédé sera appliqué pour les autorisations d’exploitation des carrières de sable et de pierre. Le ministre de l’Equipement et des transports s’exprimera bientôt sur le sujet.

Mais n’y aurait-il pas de chantiers inédits que s’apprêterait à lancer le gouvernement ?

Il y a le chantier du logement dédié à la classe moyenne, avec la poursuite des programmes de logement social.

Où en est le projet initié par l’ancien ministre du Commerce, de l’industrie et des nouvelles technologies qui était destiné aux vendeurs ambulants ?

Le gouvernement y travaille. Il y a un recensement auquel s’attellent les départements concernés. Mais le problème est plus complexe qu’il n’y parait. En tout cas ce projet suit son cours.

En ce début d’année, il y aurait comme un durcissement dans la gestion des mouvements de protestation. Qu’en dites-vous ?

Il faut savoir qu’il y a eu en 2012 plus de 17.000 manifestations. Qu’il y ait des frictions en certaines occasions entre manifestants et forces publiques n’exclut pas le fait qu’il y a un climat de liberté qui règne dans le pays. Je souligne toutefois que les mouvements de protestation doivent se dérouler dans le cadre de la loi. Quand c’est le cas, le gouvernement réagit positivement à ces mouvements et œuvre à trouver des solutions aux problèmes qu’ils soulèvent. qwerty клавиатура смартфон купить