Jihadistes marocains : Chair à canon ?

Badr Achour est un Casablancais de 29 ans. En 2006, il rejoint Al Qaida en Irak pour « combattre le grand Satan américain ». En 2007, il est arrêté pour être condamné, un an après, à la peine capitale. Le 27 octobre 2011, il est exécuté malgré les protestations des ONG de défense des détenus islamistes. Sa famille reçoit son corps dans un cercueil. Son père ne s’est jamais remis de ce choc.

Nos jihadistes à Bagdad

Badr était parmi une dizaine de jeunes Marocains qui avaient rejoint l’Irak entre 2003 et 2008 pour le jihad. Rares ceux parmi ces « guerriers d’Allah » qui ont eu l’occasion de combattre. « Mal préparés et peu cultivés, les Maghrébins servent souvent comme chair à canon sur le terrain des opérations », observe Nourredine Hatimi. Cet ex-détenu salafiste, gracié en 2005, est devenu depuis un spécialiste des mouvements salafistes. « Des Marocains partent dans ces terrains avant tout pour mourir en martyr, croyant que c’est le chemin le plus court pour arriver au paradis », explique-t-il. Sauf qu’ils peuvent vivre un véritable calvaire avant d’atteindre leur objectif suprême. C’est pour cela qu’Abdelaziz Bakkali, porte-parole des familles des détenus en Irak, tire la sonnette d’alarme quant à la situation de certains parmi ces « candidats au paradis ». Selon lui, vingt trois des jihadistes marocains en Irak sont aujourd’hui portés disparus, 7 purgent des peines d’emprisonnement dans des conditions difficiles et un Marocain est dans le couloir de la mort et attend chaque jour l’exécution de son jugement. Malgré ces destins tragiques, d’autres Marocains se lancent dans le « jihad » syrien.

Haddouchi et ses liaisons dangereuses

Omar Haddouchi est un idéologue salafiste vivant à Tétouan. Le prédicateur avait été condamné à 30 ans de prison en 2003, pour avoir « commandité, avec d’autres, les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca », avant d’être gracié en 2011. Le 1er janvier 2013, le site officiel de Haddouchi publie une vidéo du cheikh. Dans cet enregistrement, l’orateur condamne avec virulence la décision du Département d’Etat américain de classer Jabha anousra, filiale d’Al Qaida en Syrie, parmi les organisations terroristes mondiales. Dans sa diatribe contre « l’Amérique et les juifs », il réitère son soutien inconditionnel aux jihadiste syriens.

Les liaisons entre Haddouchi et les jihadistes syriens sont aujourd’hui un secret de polichinelle. Nous avons tenté de joindre Haddouchi à plusieurs reprises, mais sans succès. Dans un rapport du Centro Nacional de Inteligencia (CNI), services de renseignements espagnol, paru en octobre 2012, l’Espagne accuse Haddouchi d’être « le cerveau du recrutement des jeunes marocains vers la Syrie ». Ce document revient sur les relations entre Haddouchi et les salafistes de Sebta. Le cheikh de Tétouan s’est d’ailleurs rendu chez la famille Ouahbi, kamikaze marocain en Syrie, pour leur présenter ses condoléances. Il a accompli la prière à la mosquée Tawba à Sebta où il a tenu un prêche violent sur ce sujet. Cela ne l’empêche pas de s’inscrire en faux contre le rapport du CNI. Haddouchi nie en bloc et menace même « de poursuive l’Espagne en justice ». Sa réaction ne leurre guerre Hatimi qui estime que les cheikhs salafistes sont dans leur rôle. « Ils ne peuvent prévaloir d’une place de choix dans le milieu salafiste s’ils ne soutiennent pas ce jihad », argumente-t-il.

De son côté, Mohamed Fizazi, autre figurant de proue du salafisme marocain, prend ses distances par rapport au jihad en Syrie. Contacté par L’Observateur, Fizazi déconseille aux jeunes Marocains de se rendre en Syrie. « Je recommande aux jeunes de faire du jihad au Maroc. En œuvrant à améliorer le quotidien de leurs concitoyens à travers des actions positives qui auront un impact réel sur la vie des gens », préconise-t-il. L’ex-détenu salafiste regrette que

« la fougue de jeunesse de certains les mènent à mourir gratuitement dans un autre pays ». translate russian to english