Oser la philosophie
Par AbdejlilnLahjomri, Secru00e9taire perpu00e9tuel de lu2019Acadu00e9mie du Royaume

Une discipline a été malmenée dans notre paysage éducatif : la philosophie. Jugée dangereuse et subversive, elle fut judicieusement occultée. Oser aujourd’hui la philosophie, c’est oser enfin rompre avec la pensée unique, la clôture de l’esprit, l’enfermement idéologique, et épouser sans hésitation la modernité. Mais c’est quoi la modernité ? C’est renouveler sa propre culture et la « mettre en accord avec les données de la critique historique » du temps présent et avec les concepts les plus récents de la pensée, de la réflexion et de la raison réactualisées en permanence. Ce n’est pas adopter les découvertes technologiques, et les mettre sans douter sur leur portée et leurs conséquences, au service d’une vérité conçue comme la Vérité, d’impératifs idéologiques affirmés comme impératifs absolus de la pensée, au service d’une raison discriminatoire de toute autre raison. C’est accepter d’évoluer dans la diversité. Dans ce contexte « Rives méditerranéennes » prépare et accueillera le XXXV congrès de l’Association des Sociétés de Philosophie de Langue Française (ASPLF) sur le thème : « Le Possible et l’Impossible ». Jamais traité jusque-là dans un congrès, cet axe de réflexion parait être un axe d’une richesse philosophique exceptionnelle pour un retour assagi de cette discipline dans notre environnement éducatif et culturel. En effet, on trouve ces deux notions chez les plus grands philosophes du passé, mais elles revêtent aujourd’hui une actualité telle qu’elles fécondent tous les champs de la connaissance. Les certitudes qu’on croyait fixées d’une manière définitive, les frontières de la pensée qu’on croyait inamovibles, apparaissent mouvantes, souvent imprévisibles, à l’étonnement du sens commun. L’Impossible d’hier devient le Possible d’aujourd’hui remettant en question les limites de l’expérience et l’autorité d’une raison jusque-là souveraine. Bousculée dans ses certitudes et dans les principes qu’elle jugeait immuables, celle-ci se voit sombrer dans le scepticisme ou pis encore dans l’indifférentisme qui ne donne plus de prise à la recherche de la vérité. Si tout est possible, si rien n’est impossible comment choisir son chemin ? Si tout impossible est écarté, comment s’orienter dans la pensée ? N’est-ce pas l’illusion d’un pouvoir et d’un savoir absolus, en tout domaine, qui conduit à la folie ? Si l’avenir est incertain, des futurs inattendus peuvent sans aucun doute devenir possibles. Toutefois, la gestion de la vie quotidienne pour piloter cette incertitude et ces inattendus implique la prévision de ce qui est possible et de ce qui ne l’est pas. Elle se doit d’être prospective dans sa visée mais réaliste dans sa stratégie, ajustant les moyens à la fin, mettant en oeuvre des prises de décisions inédites et réalisables. N’est-ce pas là la méthode de travail et de réflexion que la commission du cinquantenaire a utilisé pour aboutir au rapport à la fois évaluateur et prospectif intitulé « Le Maroc Possible ». Invitation et appel sont faits à tous ceux qui veulent avec nous approfondir le thème de ce congrès (du 26 au 30 Août 2014) par la recherche d’un fondement sociologue, philosophique et métaphysique à ces deux concepts du « Possible et de l’Impossible », inscrits au coeur de l’homme comme le signe de son incomplétude et de son élan vers l’infini. « Rives méditerranéennes » est une association culturelle, qui fut fondée, par feu le Professeur Aziz Lahbabi à la fin des années soixante du siècle dernier, réactivée depuis 2005 pour une mise en oeuvre d’une réflexion assagie sur les problèmes philosophiques, sociologiques du temps présent dans le pourtour de la Méditerranée ❚