« Les jeunes marocains sont prédisposés au suicide ! »
Karim Kanout, coach professionnel et personnel, animateur des u00e9missions u00ab Allo les jeunes u00bb et u00ab wach fhamtouna u00bb

L’Observateur du Maroc. Qu'est ce qui peut pousser un jeune, un adolescent en l’occurrence, au suicide?

Karim Kanout. Lorsqu’on parle de suicide, il est important de noter que c’est une décision que l’on prend dans un état psychique anormal, instable. Les jeunes, et spécialement les adolescents, sont particulièrement fragilisés durant cette période charnière de leur vie. N’ayant pas encore franchi le cap de l’enfance, ils sont déjà confrontés aux contraintes de la vie des adultes. Une prise de conscience qui serait mal servie par les attitudes de l’enfant qui n’a pas encore acquis les outils nécessaires pour faire face à cette vie qui s’annonce déjà difficile à ses yeux. En résulte alors de cette confrontation, le sentiment d’injustice qui s’en trouve transcendé par les différents chocs émotionnels récoltés au cours de son jeune parcours. Ces chocs prennent souvent une grande ampleur, souvent démesurée, car manquant d’expérience pour relativiser et prendre assez de recul comme apprend à le faire un adulte. Il ne faut pas oublier non plus que les jeunes d’aujourd’hui sont plus vulnérables par rapport à ceux des générations précédentes. L’internet les a largement isolés en les plongeant dans une passivité profonde qui en fait des simples observateurs et rarement des acteurs actifs. Les médias achèvent le travail en les bombardant en continu et à 80% d’informations et de choses négatives. De quoi les déprimer et les prédisposer à produire des idées négatives et à commettre des actions destructives.

Comment les parents, en particulier et l'entourage en général, peuvent-ils venir en aide à un jeune en détresse et prévenir le passage à l'acte ?

Pour venir à l’aide de ses enfants, il y a des comportements à adopter en amont. La première des choses qui s’impose n’est autre que leur éducation. Et lorsqu’on parle d’éducation ça ne veut pas forcément dire leur indiquer les interdits et leur inculquer les règles à suivre. Une meilleure éducation passe par la responsabilisation de ses enfants et ceci depuis le plus jeune âge. Trêve de protectionnisme, les parents ne doivent pas isoler leurs enfants des difficultés que rencontre la famille que ça soit matériellement ou socialement. Impliquer les enfants revient à les entrainer à affronter la vie réelle, à la jauger loin de lepur imaginaire. Les parents leur donnent ainsi les outils nécessaires pour bien comprendre la vie. C’est ce qu’on appelle dans notre jargon : le training. L’entrainement à la vie peut passer par des formations ciblées comme la façon de gérer son stress en période d’examens. Ça peut aussi se faire par l’envoi de l’enfant dans des colonies de vacances qui sont une sorte de société miniature où l’on retrouve les mêmes composantes de la vie quotidienne. Le training peut être pratiqué à travers les petits jobs de vacances qui donnent aux adolescents et au jeunes un avant goût de la vie professionnelle ou par la pratique du sport qui leur inculque l’esprit de compétition dans un climat positif tout en sachant gérer la concurrence. Ce genre de pratiques prépare l’enfant à composer avec les différentes situations en renforçant sa personnalité et son adaptabilité face aux éventuels chocs réservés par la vie. Autre point et pas des moindres : le climat positif que ça soit à la maison ou à l’école. L’inconscient humain est capable d’encaisser toute l’agressivité et la violence dont il est témoin pour le resservir par la suite. Du coup il faut l’arroser, l’inonder de choses positives. Dans ce même sens, l’écoute, la mise en confiance et l’encouragement sont les meilleures clés pour ouvrir les portes de la communication avec les adolescents et pour éviter l’isolement fatal.

D'après votre expérience, les jeunes marocains seraient-ils particulièrement vulnérables ?

Dans l’exercice de mon travail, que ce soit dans des séminaires, des coachings personnels ou professionnels, dans différentes structures et régions, je sens vraiment une charge émotionnelle et psychique. Je ne vais pas dire que c’est une psychose collective, mais l’avenir incertain suscite l’inquiétude de beaucoup de Marocains. L’instabilité de l’emploi, la charge des responsabilités, les pressions sociales, les défaillances du rôle parental, les ratages de l’école marocaine qui aggrave le manque de confiance en soi et en ses capacités, la crise économique, les chamboulements politiques… la combinaison explosive de tous ces facteurs rajoutée aux problèmes personnels finit par fragiliser de nombreux marocains et spécialement les jeunes. J’étais surpris de constater que l’idée du suicide est présente chez la plupart des jeunes avec qui j’ai pu travailler. Ils en font une option parmi d’autres, une alternative potentielle en cas d’échec ou d’impossibilité de réaliser leurs objectifs de vie. Une triste réalité que seuls un meilleur accompagnement et une véritable prise en charge peuvent changer ! ❚

 

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