Brisons le silence !

Quand une personne se suicide, le plus souvent, elle emporte avec elle son ou ses secrets. On fait vite de l’enterrer et on passe à autre chose. Mais jusqu’à quand ? Cette affaire du jeune Anas a la particularité d’avoir créé une émotion générale, parce que la victime a été aux prises avec des représentants de l’Autorité publique. Autrement, qui en aurait parlé ? Peut-être un ou deux journaux, guère plus. Or, un être humain qui se donne la mort doit interpeler toute la société. Il ne faut pas attendre que le « suicidé » soit son propre enfant, sa propre soeur ou frère, voire son propre père ou sa mère pour chercher à comprendre. À moins de verser dans un aveuglement suicidaire, c’est clair que cela peut arriver à n’importe qui, à n’importe quel moment, de vouloir en finir avec sa propre vie. L’autre cas le plus récent qui le montre est celui de Ilyass G qui vient de se donner la mort à Khouribga. La cause ? Il aurait été rejeté, via Facebook, par sa bien aimée. A peine âgé de 17 ans, il s'est donc jeté du pont d'Assa, dans le quartier d'El Massira. À ces cas désormais connus, il y en d’autres dont personne ne parle. Aujourd’hui, les paysans se donnent la mort en grand nombre. Les chiffres les plus récents les concernent et ils sont alarmants. À l’évidence, la situation n’est pas moins pire dans les villes. On a vu des policiers se tirer une balle dans la tête, on a vu des petites bonnes se jeter par la fenêtre, on a vu aussi des gamines se donner la mort en avalant toutes sortes de matières toxiques, et surtout « takaout roumia » (paraphylène- diamine)… Il faut donc que cesse l’omerta pour qu’un registre des suicides soit ouvert dans le pays. Ce n’est pas en occultant nos problèmes de société qu’on pourrait les résoudre. Au contraire ! Le plus surprenant est que même la société civile semble faire peu de cas des drames des suicides, préférant défendre des causes médiatiquement plus porteuses. L’exception qui confirme la règle est l’ONG « Sourire de Réda », mais elle communique si peu que sa voix a du mal à porter. Laissera-t-on le suicide se banaliser dans la société en tournant le regard ailleurs, à chaque fois que ce genre de drame survient ? C’est ce qui semble se passer aujourd’hui ? Mais alors, que fait l’Etat ? Ou posons plutôt les vraies questions : Pourquoi les pouvoirs publics ne font rien pour recenser les cas de suicide ? Ou alors, la situation seraitelle si grave que tout est fait pour qu’elle continue à passer sous silence ? Si tel est le cas, ce serait encore plus grave ! ❚

 

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