Archives du Maroc : Rattraper le temps perdu…

Au quatrième étage des dépôts d’Archives du Maroc, Jamaâ Baida garde précieusement ses trésors. L’historien devenu archiviste en chef du Royaume sort avec fébrilité d’une étagère poussiéreuse les joyaux de sa couronne : Des documents sur les prisonniers allemands de la Grande guerre de 1914, les conventions des commerçants protégés du Sultan et les documents de travail Henry de Castries, l’historien officiel de Lyautey et auteur Des sources inédites de l’histoire du Maroc. « Ces archives se trouvaient dans un état de délabrement total. Nous avons pu sauver des documents précieux », se réjouit-il. Au deuxième et troisième étage, les équipes d’Archives du Maroc travaillent pour la restauration et le classement de ces documents trouvés dans l’ancienne bâtisse de la Bibliothèque générale du Protectorat, créée en 1924. « Un nombre important de documents ont été perdus à jamais », déplore Baida. Pour ce projet, le Maroc part de loin et doit rattraper le retard qu’il accuse par rapport aux pays voisins. L’Algérie a créé son organisme public chargé des archives il y a vingt-cinq ans. Sans parler des Archives nationales de Tunisie créés en…1874. « Après une carence d’un demi-siècle, le Maroc dispose seulement d’un texte de loi, issu d’une recommandation de l’Instance Equité et Réconciliation », constate le directeur d’Archives du Maroc. Classée parmi les vingt établissements stratégiques, cette institution est chargée de sauvegarder le patrimoine archivistique national, d’assurer la constitution, la conservation, l’organisation et la communication des archives à des fins administratives, scientifiques, sociales ou culturelles.

L’archiviste, un fonctionnaire sans statut

Le jour de notre visite, le directeur d’Archives du Maroc ne cachait pas sa joie. Les décrets d’application de la loi du 30 novembre 2007 sur les archives sont fin prêts. Sept ans après la sortie de la loi, ils seront déposés au Secrétariat général du gouvernement pour suivre le circuit législatif. « C’est le fruit d’une année de travail assidue d’une commission interministérielle », précise ce grand consommateur d’archives. Après des débuts difficiles en 2011 et 2012, l’institution-mémoire du royaume commence à être dans le radar du gouvernement. « Au départ, je travaillais seul dans un local provisoire et je frappais à toutes les portes pour demander du finnacement », se rappelle Baida. L’équipe d’Archives du Maroc s’est étoffée. Elle compte aujourd’hui 35 personnes. Les locaux provisoires ont été rénovés grâce à un soutien de la délégation de l’Union européenne à Rabat. Le budget est passé de 7 millions de DH en 2012 à 12 millions de DH en 2014. Le programme d’équipement, de formation et de communication peut réellement démarrer. L’Exécutif donne un autre coup de pouce à la jeune institution. Il a mis à sa disposition un terrain de 4 hectares à Technopolis à Salé pour construire son futur siège. Baida se prépare déjà pour mener un forcing en coulisses pour trouver l’enveloppe budgétaire afin de lancer les travaux de la Cité des archives « En ces temps de disette économique, la partie sera difficile », prévoit-il. Sa deuxième bataille est de faire reconnaitre le statut d’archiviste dans la fonction public. Un métier qui n’existe pas dans la nomenklatura du secteur public !

Des archives accessibles

Pour montrer le chemin aux administrations publiques, Archives du Maroc met à la disposition du public, depuis juin 2013, des documents restaurés du temps du protectorat français. Une salle de lecture et de consultation est ouverte à tous les citoyens à titre gracieux pour trois jours ou sur abonnement annuel de 100 DH. 184 curieux ont pu accéder à ces archives grâce à un laisser-passer de trois jours et 74 personnes se sont abonnées à Archives du Maroc. C’est peu, mais c’est peut-être le début d’une longue histoire d’amour entre les Marocains et leurs archives…❚

 

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