Au-delà de l’émotion
AHMED CHARAu00cf

Le rapt de plus de 200 jeunes filles, la menace de les réduire en esclavage, puis l’annonce de leur conversion forcée à l’Islam ont suscité une grande émotion partout dans le monde, obligeant la communauté internationale à bouger, à offrir son aide à l’Etat du Nigéria. C’est un peu tard. Dans le cas d’espèce, Boko Haram est une secte qui multiplie les exactions depuis plusieurs années et l’armée nigérienne a prouvé son incapacité de la réduire malgré plusieurs assauts et des centaines de morts dans les deux camps. On ne sait pas si, au moins sur le plan du renseignement, la coopération a fonctionné. On peut en douter au vu de ce qui se passe actuellement. On se dirige vraisemblablement vers un échange des enfants otages contre des terroristes emprisonnés au Nigéria, comme pour les rançons payées aux ravisseurs. C’est la pire des solutions parce qu’elle encourage le terrorisme. Mais qui peut prendre le risque d’une action armée mettant en péril la vie des filles enlevées ? La lutte anti-terroriste, nécessaire, soutenue par l’ensemble de la communauté internationale, subit des échecs un peu partout. Les guerres menées en Afghanistan et en Irak, coûteuses en vies humaines, sont l’illustration de ces échecs. Une nouvelle approche doit être trouvée. Les puissances occidentales agissent en pompiers. En Afrique, que ce soit au Mali ou à Bangui, l’intervention n’a eu lieu qu’après la dislocation de l’Etat. Dans les deux cas, l’enlisement est au bout parce qu’il n’y a pas de véritables solutions politiques apportées et que l’Etat central et les armées sont totalement à reconstruire, dans un contexte sulfureux de rancoeurs ethniques, de tribalisme exacerbé. Le Nigéria a un potentiel économique extraordinaire, mais la déliquescence de l’Etat ne permet aucune gouvernance fiable. L’islamisme irrédentiste y est apparu sous l’influence des événements internationaux, mais aussi en réponse à l’absence d’une politique de développement au profit des populations, malgré la manne pétrolière. Repenser la stratégie de la lutte anti-terroriste est une nécessité absolue. Bien évidemment que l’aspect sécuritaire, l’usage de la force est souvent imposé par des situations critiques. Personne ne peut accepter que des Etats deviennent un sanctuaire pour les terroristes. C’était le cas en Afghanistan hier, c’est le péril aujourd’hui au Yémen et au Mali. La situation en Centrafrique relève plutôt de la guerre inter-ethnique que du terrorisme international, mais elle offre un terrain fertile à celui-ci. La logique impose d’agir préventivement par une politique concertée. Celle-ci ne peut avoir comme piliers que le co-développement et la démocratie. C’est souvent exprimé comme voeu mais rarement suivi d’effets. Pourtant, c’est le seul moyen de vacciner ces sociétés contre le virus du terrorisme. Ce codéveloppement permet de satisfaire graduellement, les revendications des populations concernant les infrastructures de base, l’éducation, la santé et d’offrir des opportunités d’emploi. La démocratie permet de gérer les différences, de consolider les Etats-Nations, de les inciter à une gouvernance correcte. C’est d’autant plus le choix de la raison, qu’en assurant la stabilité, le potentiel de croissance de l’ensemble de l’Afrique sera renforcé au profit de l’économie mondiale. A chaque crise, les réunions sur la sécurité en Afrique se multiplient. On met en place des forces unifiées internationales qui remportent des batailles, font reculer momentanément le terrorisme. Mais le seul moyen de l’éradiquer, c’est de bannir ses sources. Seule une politique de co-développement, de construction démocratique, de renforcement des Etats le permet. Une telle politique signifierait que l’on est dans l’action, alors qu’aujourd’hui, on est dans la réaction face aux ténèbres du terrorisme international ❚