AFRIQUE : Lourd coût des industries illégales

L’Afrique subsaharienne perd environ 20 milliards de dollars par an à cause de la pêche et de l’exploitation forestière illégales, selon un rapport publié par l’Africa Progress Panel (APP), un think tank présidé par Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies. La pression s’accentue sur les ressources halieutiques et forestières du continent africain devant une demande croissante des marchés émergents. Ce qui a contribué à la hausse des cours mondiaux. Dans son rapport publié le 8 mai, le Panel constate que ces activités illicites sont étroitement liées aux conséquences néfastes de l’évasion fiscale et la baisse des revenus par le biais de grandes concessions minières en Afrique que l’APP avait dénoncées l’an dernier. « Les ressources qui devraient être utilisées pour l’investissement en Afrique sont pillées par les activités des élites locales et des investisseurs étrangers», dénoncent les auteurs du rapport, pour qui les conséquences sociales, économiques et humaines sont dévastatrices. Le conseil de L’Africa Progress Panel comprend Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds monétaire international, Olusegun Obasanjo, ancien président du Nigeria et Tidjane Thiam, PDG de Prudential, assureur britannique. Annan explique dans le rapport que « quelques corrompus » ont amassé « une fortune personnelle » grâce à la pêche et à l’exploitation forestière illégales. Et d’avertir que si ces problèmes tardent à être réglés, cela veut dire que nous sommes déjà en train de semer les germes d’une récolte amère. Les côtes africaines abritent certaines des zones les plus poissonneuses au monde, en particulier les côtes de la Mauritanie, de la Namibie et du Mozambique qui constituent une destination fort attrayante pour les flottes mondiales. Selon le rapport, plusieurs estimations crédibles suggèrent que la plupart de cette activité illégale est le fait de « navires en provenance d’Asie de l’Est et de la Russie ». Certains experts soutiennent que la menace concernant les eaux africaines a augmenté au cours des deux dernières années en raison de deux nouvelles tendances : alors que les cours mondiaux du poisson ont atteint des pics, portés par l’appétit croissant de la Chine pour les espèces haut de gamme -dont notamment le thon et les huîtres- la baisse des captures, due notamment à des politiques de conservations plus strictes en Amérique et en Europe, a entraîné le repli de l’offre. Le manque à gagner pour les pays ouest-africains représenterait plus de 1 milliard de dollars par an, selon le rapport. Ce qui suggère que le montant pour l’ensemble du continent serait beaucoup plus important. « Ces chiffres sous-estiment les coûts économiques et environnementaux réels de la surpêche, poursuit le rapport. Car contrairement aux secteurs miniers et pétroliers, la pêche représente une source essentielle d’emploi, de commerce et de sécurité alimentaire et nutritionnelle ». Le Panel estime que les pays africains perdent environ 17 milliards de dollars par an à cause de l’exploitation forestière illégale. Un commerce illicite qui contribue à la déforestation de la forêt tropicale du bassin du Congo. Les entreprises chinoises sont en première ligne dans l’exploitation forestière illégale. Et l’APP d’avertir « qu’aucun cadre multilatéral dans la gestion durable des forêts en Afrique ne sera crédible si la Chine n’est pas impliquée ». La Panel, qui a généré des débats intenses en Afrique, recommande enfin à la région d’adopter des politiques de substitution aux importations dans le domaine de l’agriculture afin de réduire ses importations de nourriture estimées à 35 milliards de dollars par an. Certains pays, dont notamment le Nigeria, ont d’ores et déjà imposé des droits de douanes élevés sur l’importation des denrées alimentaires. Mais cette politique reste controversée. Et certains experts disent qu’elle risque de menacer la sécurité alimentaire ❚