Le Maroc face aux perceptions et aux prévisions

Vu de près, le Maroc offre une image mitigée. Les employeurs ne savent pas à quoi s’en tenir avec le gouvernement et ne ratent aucune occasion pour le faire savoir. Les syndicats non plus. Eux aussi ne cessent d’exprimer leur exaspération, malgré la dernière augmentation du Smig. En toile de fond, on assiste à une augmentation du chômage, à une inquiétude pour l’avenir à la fois des employeurs, des industriels en particulier, et des consommateurs... Sur ce registre, n’en déplaise à Benkirane, le HCP offre des statistiques édifiantes, tout autant que le Centre marocain de conjoncture. Et au-delà des indicateurs chiffrés, le marasme se fait partout sentir. Il a certes plu, mais cela ne suffit plus pour donner le coup d’accélérateur manquant à l’économie nationale. Vu de loin, la situation dans le pays ne semble pas inquiéter les observateurs. Au contraire ! L’événement, heureux, le plus récent est l’amélioration par l'agence de notation Standard and Poor's (S&P) de la perspective du Maroc de « négative » à « stable ». Les notateurs de cette agence relèvent une amélioration « sensible » des soldes budgétaires et extérieurs, soutenus par le « plan de réformes et de consolidation du gouvernement ainsi que par un environnement extérieur plus favorable ». Voilà qui devrait faire jubiler Benkirane ! En pratique, le pays doit surtout cette bonne note à la performance à l’export réalisée cette année dans les secteurs de l'automobile (+50%), de l'électronique (+20%) et de l'aéronautique (+10%). S&P est rejoint dans son analyse par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Dans son dernier rapport sur la reprise économique dans la partie méridionale et orientale du bassin méditerranéen (région SEMED) publié en marge de sa 23e assemblée tenue les 14 et 15 mai à Varsovie, cette institution estime que le Maroc se porte relativement mieux que la plupart des pays de la région. Le rapport prévoit ainsi une croissance du PIB marocain de 4,2% en 2014 et de 5% en 2015. Principal argument avancé, là encore : Le secteur non agricole pourrait profiter de la reprise prévue dans la zone euro. Il faut juste espérer que le conflit ukrainien et ses incidences sur la relation UE-Russie ne faussent ces prévisions positives. Légèrement moins optimiste, mais optimiste quand même, le FMI prévoit de son côté, dans la mise à jour de son dernier rapport sur les « Perspectives économiques régionales », une croissance de 3,9% pour le Maroc au terme de cette année et 4,9% en 2015. Ce sont des niveaux meilleurs que ceux prévus pour la zone MENA : 3,2% en 2014 et 4,6% en 2015. Cela n’a pas empêché la directrice générale du FMI de déclarer, lors de la conférence qu’elle a donnée le 8 mai à Rabat devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE) : « Dans beaucoup de pays, tels que l’Égypte, la Jordanie ou le Maroc, la part de la classe moyenne dans la richesse sociale est plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’était durant les années 1960 ». Et d’ajouter encore plus incisive : « La position relative de la classe moyenne ne s’est pas améliorée depuis les années 1990, alors même que la croissance pendant au moins une dizaine d’années était nettement supérieure à celle observée aujourd’hui ». Pareille remarque ne doit pas être occultée à la faveur d’échos favorables ❚