WAC : Grand club malade

1 Gestion, connaît pas !

Nous sommes vendredi 23 mai 2014, il est 10H30. Le complexe Benjelloun du WAC est désert. La direction du club est fermée. Seule une équipe des cadets s’entraîne en présence de son coach. Le 27 mai, jour du dernier match de l’équipe A, aucun des dirigeants n’accompagne les joueurs. La gestion au quotidien est confiée au directeur administratif. Ni le président, ni les autres membres du comité ne viennent assister aux matchs. « Ils ne veulent plus entendre les insultes », explique un membre du staff. « Depuis des mois, le WAC s’est transformé en un club fantôme », observe un adhérent au club. Et d’ajouter : « Les différentes commissions ne fonctionnent plus ». Alaâ Eddine Ramchy a 58 ans, ce supporter est nostalgique de l’époque de Mekouar, le légendaire président du WAC entre 1973 et 1992. « Les fondations d’un club professionnel ont été mis en place par Mekouar. Les derniers présidents ont sapé ce travail précurseur », déplore-t-il.

2 Akram et son club sur-mesure

En sept ans, Akram a réussi à contrôler le WAC. Il est président de la section football et à la tête du Comité directeur, instance omnisport du club. Il contrôle les adhésions à la section foot. « Akram paie les cotisations de plus 30 adhérents sur les 67 que compte le WAC. Certains sont des salariés de ses entreprises », nous confie une source proche du comité. Il a verrouillé l’adhésion en la faisant passer de 5000 à 20.000 DH. Résultat, le nombre d’adhérents a baissé de 111 à 43 en 2011. « C’est ce qui explique l’absence d’une relève capable de concurrencer Akram. Une élite wydadi existe, sauf qu’elle a été obligée de se retirer », estime Driss Chraibi, adhèrent au WAC et candidat à la présidence. En anéantissant toute opposition interne, Akram a réussi à transformer les AG en simple formalité qui ne dépassent pas 45 minutes tout au plus, un record national. Des AG tenues « chez lui », au club Paradise à Aïn Diab. Pris par ses missions au sein de la FRMF, Akram délègue à son fils Hafid, la gestion de l’équipe A et à ses affidés la gestion de tout le reste. « La méthode Akram est simple : qui paie décide de tout », ironise notre source. Un autre dirigeant défend l’actuel président : « Dès que les résultats sont mauvais, les autres membres du comité disparaissent, Akram, lui, assume ses responsabilités et tient le bateau ».

3 Des finances au rouge  

Un joueur avec un salaire mensuel de 50.000 DH et une prime de signature de 1,32 MDH ou encore un coach touchant 400.000 par mois, c’est du jamais vu au Maroc. « Il est indéniable que Akram a révolutionné l’économie du foot au Maroc », assure Larbi Gourra, directeur sportif au WAC. À son arrivée en 2007, le président fait exploser les salaires et les primes de signature des joueurs. Un choix qui lui a valu le titre de « Akramovich », allusion est faite à Roman Abramovich, le richissime russe propriétaire de Chelsea. Passées les années fastes, la stratégie Akram ne s’avère pas payante. Sur le plan sportif, le WAC n’a à son actif qu’un solitaire titre de champion en 2010. Sur le plan financier, « le club vit au-dessus de ses moyens », regrette Chraibi, candidat à la présidence. Le WAC a une ardoise de 20 millions DH. Une somme que le club doit à son actuel président, à travers sa société Plein ciel, agence de voyages et de locations de voitures, prestataire du club ! Akram se dit prêt à quitter le club. Sauf que son successeur devrait lui remettre un chèque de deux milliards de centimes.

4 Le WAC une affaire politique

Le foot à Casablanca est une affaire  politique. Pour avoir une idée sur la carte politique de la ville, il suffit de jeter un coup d’oeil à la composition des comités du WAC et du Raja. Durant le mandat d’Akram, cette constante s’est renforcée. Le PAM a su se tailler une place de choix dans les différents comités. Salaheddine Chenguiti, Said Naciri et Salaheddine Aboulghali sont tous du PAM et ont siégé aux côtés d’Akram à différentes périodes. Le Mouvement populaire est représenté par Ali Benjelloun, vice-président de la Mairie de Casablanca. L’USFP a tenté de faire une percée dans la formation wydadi avec la cooptation de Jamal Aghmani lors de la saison 2010-2011. « Pour faire plaisir à son ami, l’istiqlalien Maâzouz, alors ministre du Commerce extérieur, Akram ordonne en 2008 à l’équipe A de participer à un tournoi à Sefrou, où son pote est le président de la Commune. Les matchs se sont joués dans un terrain de terre battue », relève Jamal Staifi, directeur d’Al Massae Arriyadi. Un ex-membre dirigeant du club réfute toute imbrication de la politique et du foot au sein du WAC : « Jamais les couleurs politiques des membres dirigeants du club n’ont influencé la gestion du WAC, le club appartient à tout le monde ».

5 Des Winners Ultra puissants

Le WAC est-il malade aussi de son public ? « Le public assume une grande partie de la responsabilité dans la situation que vit le club », pense Abdelmajib Bouyboud, coach adjoint du WAC et ancienne gloire du club. C’est le même son de cloche de Goura : « Les supporters ne peuvent dicter au comité ce qu’il doit faire ». Un des membres du noyau dur des Winners, Ultra du WAC, n’est pas de cet avis : « Ce conflit dure depuis deux ans à cause de l’entêtement du président qui ne veut plus entendre la voix de la raison. Akram doit partir ! ». Malgré plusieurs tentatives de réconciliation, le torchon brûle toujours entre les supporters et le président contesté. Graffitis sur les murs de la ville avec « Akram Dégage », tifo géant appelant au départ du président (voir photo), plusieurs sit-in devant le complexe Benjelloun… Ce bras de fer a même tourné à l’affrontement. Le 20 mars, une bande armée débarque au club, agresse et subtilise des affaires des joueurs qui étaient présents à l’entraînement. Les auteurs présumés sont poursuivis en détention provisoire dans le cadre de cette affaire❚

 

 

 

Driss Chraibi, L’homme providentiel ?

Driss Chraibi est le premier candidat déclaré à la présidence du WAC. Le patron de Sport Plazza se présente comme « le candidat de la rue wydadi ». « Il est important de réconcilier les composantes du WAC », insiste-t-il. Chraibi compte sur la vague anti-Akram et le soutien d’anciens joueurs du club pour briguer le siège de président. Lui-même est ancien président de la section handball du WAC. Il compte sur son CV pour conquérir les voix des adhérents. Avocat et lauréat d’un master en management du sport à l’ISCAE, ce candidat se targue d’avoir lancé, à 40 ans, son propre club : le Sport Plazza basketball. Avec le WAC, il vise à faire passer le budget des rouges de 60 à 90 millions en 2018. Il espère aussi bâtir une équipe formée à 70% au sein du club de formation du WAC et baisser le tarif d’adhésion à 2.500 DH.