Raffermir les relations maroco-tunisiennes pour asseoir un partenariat multidimensionnel en Afrique
OTHMAN BENJELLOUN, PDG DE BMCE BANK

Sa Majesté le Roi Mohammed VI vient d’effectuer une visite d’État en Tunisie. À cette occasion, ont été signées une série de conventions associant le secteur public et privé, en présence de deux Chefs d’État. En marge de cette visite s’est tenu à Tunis les 27 et 29 mai un Forum économique rassemblant plusieurs dizaines de chefs d’entreprises de Tunisie et du Maroc. Le secteur bancaire marocain, et BMCE Bank, en particulier, s’est associé avec beaucoup de plaisir et d’intérêt aux travaux de ce forum qu’ont mis sur pied les organisations patronales UTICA et CGEM. Les discussions qui s’y sont déroulées ont reflété le potentiel multidimensionnel de raffermissement des relations commerciales et d’investissements qui méritent de prévaloir entre deux pays phares au nord de notre continent, l’Afrique. Nous sommes conscients que les péripéties liées aux évolutions géopolitiques au sein de cette région et aux progrès, très lents, de construction de l’édifice maghrébin n’ont pas permis que les relations tuniso-marocaines se placent à la hauteur des histoires et des identités fortes respectives de ces deux Nations. Comment peut-on ne pas se remémorer que notre relation est ancestrale et remonte à l’épopée de la pénétration de l’Islam en Afrique du Nord, dont l’un des évènements historiques emblématiques fut la fondation, à Fès, par une émigrée de Kairouan, Fatéma Al Fihria, de l’Université appelée, d’ailleurs, Al Quaraouiyine, considérée depuis comme la plus ancienne Université encore en activité au monde. Quelle magnifique symbolique de modernité culturelle et sociétale que celle d’une femme, à l’origine de la création d’un centre de savoir et de rayonnement spirituel et religieux. L’Histoire devrait être constamment gardée à l’esprit pour qu'on s’imprègne de la permanence multiséculaire d’une fraternité et d’une solidarité agissante tuniso-marocaine, quelles que soient les difficultés que l’on peut, dans l’entretemps, traverser. L’autre symbole, cette fois-ci économique, fort est la prévalence, depuis maintenant sept ans, d’une zone de libre-échange entre nos deux pays, scellée au terme de la Convention d’Agadir. Elle fut renforcée par l’établissement de partenariats bancaires et financiers exemplaires que conduisent chacune, dans son périmètre d’intervention, deux grandes institutions majeures du système bancaire marocain, à savoir Attijariwafa bank et BMCE Bank. Elles contribuent, de manière efficiente, au financement de l’économie, à la bancarisation de la population, à l’élargissement de l’offre des produits et services au profit de larges franges de la population tunisienne. Pour notre part, le Groupe BMCE Bank compte élargir significativement sa présence en Tunisie, audelà de l’activité qu’il exerce présentement au sein de sa filiale de banque d’affaires, Axis Capital. En effet, nous scellons, à l’occasion de cette visite, une convention exemplaire de partenariat public-privé entre BMCE Bank d’une part et, d’autre part, une banque nationale publique tunisienne qu’est la Banque Nationale Agricole, ainsi qu’une banque de capitaux privés, la Banque de Tunisie, au sein de laquelle se trouve être actionnaire de référence un Groupe allié et ami du Groupe BMCE Bank, le Groupe Crédit Mutuel CIC. Nous sommes déterminés à développer, conjointement avec ces deux banques, les métiers de marchés de capitaux et de Conseil financier, que ce soit l’intermédiation boursière, la gestion d’actifs, le Trading en valeurs du Trésor ou les activités nouvelles de banque d’affaires, le Private Equity et Private Banking. Nous avons également l’ambition de développer les métiers de bancassurance, capitalisant ainsi sur l’expertise et l’expérience du Groupe BMCE ainsi qu’un ensemble d’autres activités parabancaires comme le leasing, le factoring ou le crédit à la consommation, toujours en partenariat entre ces trois banques. Nous partageons la conviction que l’Afrique, et notamment l’Afrique subsaharienne, représente la « nouvelle frontière » de croissance et de développement pour l’économie mondiale. Nous entendons bien la volonté des pouvoirs publics tunisiens d’encourager les entreprises de leur pays à considérer ces nouveaux marchés. Le partenariat tripartite que nous allons sceller, nous avons voulu l’inscrire dans cette orientation stratégique qui coïncide avec celle mise en oeuvre déjà par le Maroc. Notre volonté commune d’étendre notre présence en Afrique du Nord aussi bien qu’en Afrique subsaharienne requiert que nous, Tunisiens et Marocains, mobilisions nos efforts, conjuguions nos talents et développions ensemble les mêmes activités qui nous ont réussi ici en Tunisie, au Maroc et ailleurs en Afrique. Les opportunités peuvent être explorées sous forme d’implantations de filiales communes, de prises de participation capitalistiques, d’accord de partenariat stratégique et commercial et considérer toute autre forme d’ouverture sur l’Afrique. Peuvent être pareillement promus les échanges et la coopération en matière de connaissances et d’expérience technique, professionnelle et de marché, ainsi que des synergies entre les entités de nos groupes respectifs, avec pour finalité la création de valeur et d’emplois sur les marchés tunisien, marocain et, au-delà, à travers le continent africain. En définitive, le partenariat maroco-tunisoafricain a du sens. Il a du sens pour le présent, compte tenu de tout ce que nous avons su développer en Tunisie, entre Marocains et Tunisiens, et compte tenu de tout ce que nous, Marocains, avons su développer au Maroc et en Afrique subsaharienne. Le Partenariat maroco-tuniso-africain a du sens pour l’avenir parce que la construction maghrébine est, elle-même, tributaire d’une interpénétration plus importante entre nos économies et avec le continent africain. C’est par l’économie que seront dépassés les obstacles politiques qui, jusqu’à lors, ont ralenti l’édification de cet idéal des peuples qu’est l’Union maghrébine ❚