Le logement social : un segment en souffrance

Le département de l’Habitat espère voir se réaliser 100.000 habitats sociaux par an, soit plus de trois fois ce qui a été effectivement réalisé pour reloger quelque 170.000 familles entre 2012 et 2016. Mais quand on voit la pente descendante sur laquelle sont engagées actuellement les mises en chantier de logement sociaux, il y a de quoi s’inquiéter. A l’évidence, le logement social connaît un net ralentissement, en particulier dans les villes autres que Casablanca et Rabat, cette tendance s’est confirmée au cours de l’année 2013 où seulement 39.053 logements à 250.000 DH ont été initiés contre 131.878 en 2012, soit une chute de 70%. Ainsi, le nombre total d’unités mises en chantier a accusé une baisse de 28% à 192.970 unités en 2013 contre 267.860 unités en 2012. Les promoteurs sont aussi moins nombreux à demander des autorisations pour leurs projets : si 132.417 logements ont été autorisés en 2012, seulement 50.636 l’ont été en 2013, soit 60% de moins. Donc, les nouveaux programmes de logements sociaux qui ont poussé comme des champignons depuis 2010 devraient se faire plus rares à moyen terme.

Inadéquation entre offre et demande

Le marché du logement social est-il arrivé à saturation ? « Il y a toujours un déficit en logements qu’il faut combler, surtout dans le social. La population cible reste également importante. Certes, l’habitat social a permis d’augmenter le nombre de propriétaires au Maroc, mais il n’a pas pu assurer une adéquation entre l’offre et la demande. Une bonne partie des acquéreurs de ce type d’habitat est issue de la classe moyenne car elle ne trouve pas le produit qui lui convient, surtout en matière de prix. Les personnes à bas revenus ne peuvent pas non plus assurer l’avance de 50.000 DH. La nouvelle offre introduite dans le cadre de la Loi de Finances 2014 dédiée à la classe moyenne est certes intéressante, mais peut-elle attirer assez de promoteurs pour booster le segment ? », analyse un expert en immobilier. En effet, la formule adoptée par le gouvernement pour le logement social a permis, durant une décennie, à plusieurs milliers de familles d’accéder à la propriété. D’ailleurs, les deux tiers des ménages sont actuellement propriétaires et le nombre de ménages propriétaires est passé de 35% à plus de 60% durant la même période. « Àpart les villes de Casablanca et Rabat où la demande continue d’exister potentiellement, d’autres villes ont connu une régression notoire du logement social. Vu la cherté du foncier dans ces deux villes, les promoteurs sont partie ailleurs, là où le prix du terrain est plus intéressant. Un choix qui s’est soldé par un excès de l’offre dans ces régions », explique un promoteur immobilier. Avec une offre de plus en plus abondante, les promoteurs ont dû mal à écouler leurs produits. Dans certaines villes comme Meknès ou Béni Mellal, les acquéreurs n’ont pas besoin de réserver car les logements existent déjà et ils n’ont que l’embarras du choix. Plusieurs projets ont connu des offres promotionnelles. Les appartements commercialisés à 250.000 DH ont une superficie qui dépasse les 50 m2 exigée par la loi et qui peut atteindre parfois 65 m2. Pour les 50 m2, le prix a été ramené à 200.000 DH, voire à 180.000 DH dans certaines régions. Selon la FNPI, l’axe Kenitra-El Jadida est moins touché, car tout ce qu'on y produit finit par s'y vendre, même s’il l’est moins rapidement qu'auparavant. Tandis que dans d'autres villes, comme Fès, Meknès, Oujda, Marrakech, Agadir, Béni Mellal, Khouribga, etc., des logements restent invendus, malgré les baisses successives des prix et/ou de l'apport minimum pour acheter. Dans des villes nouvelles comme Tamesna ou Tamansort, plusieurs chantiers sont à l’arrêt, les projets déjà achevés trouvent beaucoup de difficultés à être commercialisés.

Difficulté d’accès au financement

Outre le facteur « crise économique » se manifestant par la problématique de la liquidité qui a réduit sensiblement le nombre de personnes potentiellement aptes à répondre aux critères d’acquisition, les professionnels du secteur évoquent une autre raison et non des moindres : la frilosité des banques à l’égard de ce segment. Ainsi, selon l’inspection régionale de l’Habitat de Fès : « La difficulté de la commercialisation pour le logement social est liée à la faible capacité de financement des ménages désireux d’acquérir un logement social ». Les banques exigent que les acheteurs aient environ 30% du prix du bien pour accorder un prêt, qu'ils font payer généralement très cher, 6,1% d'intérêts en moyenne en 2013, nous dit-on, sur une durée moyenne de prêt de 15 ans. Et cela, tout le monde ne peut pas le faire. Le Fogarim était un produit commercialisé par plusieurs banques. Aujourd’hui, seuls la Banque populaire et le CIH – détenus majoritairement par l’Etat – continuent de le proposer. Et là encore, les critères de sélection deviennent de plus en plus rigoureux. L’exigence d’un certificat de la Direction des impôts prouvant que le demandeur n’est pas propriétaire a également réduit la clientèle intéressée. « On n’assiste pas encore à une maturité du segment. Sa croissance ne se fera pas donc comme auparavant. C’est pour cela que certains opérateurs immobiliers, comme Addoha et Alliances ont lancé des projets à l’international où les marges sont plus intéressantes », commente Rachid Maârouf. Néanmoins, en cette année, Le logement social (habitats à 250.000 DH et 140.000DH) pourrait connaître un souffle nouveau en 2014. Dans quelques semaines, le ministère achèvera en effet une étude d’ampleur sur le segment. Celle-ci fera le bilan des réalisations du dispositif. Elle comprend également deux enquêtes inédites pour cerner la satisfaction des acheteurs et le mode d’exécution des projets par les promoteurs. Tout cela permettra de remédier aux dysfonctionnements au niveau du dispositif pour lui permettre de repartir sur de bonnes bases ❚