Un système incohérent, défaillant
Ahmed CHARAI

Le nombre de bacheliers augmente chaque année. Les officiels présentent ces chiffres comme une avancée. Rien n’est moins sûr. Les observateurs avertis notent qu’il n’y a plus aucune sélection intermédiaire, ni à la sortie du primaire, ni à l’issue du collège. Tout est fait pour garder les élèves le plus longtemps possible dans le circuit scolaire, même quand ils n’ont pas d’acquis réel. Cette dérive est accompagnée par la baisse des exigences pour cacher la baisse du niveau. Mais qu’offre-t-on aux détenteurs de ce bac dévalué ? L’entrée aux écoles d’ingénieurs (EMI, Ecole des mines et Ecole Hassania des travaux publics) est réservée à des élèves dépassant 17 de moyenne. Les classes moyennes préfèrent le recours à un enseignement privé très aléatoire. Le reste, l’extrême majorité, l'université reste le seul recours. L’enseignement supérieur est dans un état catastrophique. Les étudiants sont en surnombre en première année. Le taux d’abandon est impressionnant. En majorité, les bacheliers choisissent des cursus n’offrant aucun autre débouché que l’enseignement : sciences fondamentales, littérature, sciences sociales… Des cursus qui, logiquement, doivent s’étendre jusqu’au stade de la recherche, alors que les places pour les doctorats sont très limitées. C’est parmi ces lauréats que recrute l’armée des diplômés chômeurs. Saucissonner le problème, comme on le fait depuis 30 ans, ne fait qu’ajouter du désordre au désordre. Il faut une réflexion globale, nécessaire à toute reforme sérieuse à l’adresse des générations futures. L’enseignement de base, le primaire, doit être renforcé, mais doit aussi donner lieu à une sélection offrant deux filières, l’une professionnelle et l’autre général. Ensuite, à la sortie du collège, une sélection couplée à une orientation permettra de mieux orienter l'étudiant. A chaque étape, une voie, la formation professionnelle qualifiante, doit être proposée. Enfin, au supérieur, les filières de la recherche, qui sont à renforcer, doivent être sélectives, ouvertes à de véritables vocations. La faillite de l’éducation nationale n’est pas liée uniquement à l’absence des moyens. C’est un département qui engage le quart des ressources de l’Etat, au moins. Les différentes réformes concoctées par le passé ont échoué de manière patente. Refaire la même erreur, celle de réformettes parcellaires, sans cohérence globale, ne peut aboutir qu’au même résultat. Il faut d’abord un consensus social sur le rôle de l’école non pas autour de slogans creux, mais autour d’une vision qui intègre le rôle de l’éducation comme ascenseur social, qui passe par un lien organique avec le monde du travail. Le Japon et l’Inde ont les systèmes éducatifs les plus sélectifs du monde. Ils ont réussi à éradiquer, au Japon, et à réduire, en Inde, l’analphabétisme, à créer de la main d’oeuvre qualifiée et à intégrer le Top 5 mondial au niveau de la recherche et développement. Et si pour une fois on s’inspirait des modèles qui marchent et non pas du système français, lui-même en panne ! ❚