Parapente : le dernier vol d’Aguergour

À Aguergour, village à 40 km de Marrakech, des milliers d’adeptes de parapente s’offraient des escapades dans les plaines du Haouz. Dans ce paradis discret à la bordure du barrage Lalla Takerkoust, les inconditionnels du parapente faisaient le bonheur aussi des habitants. Une économie locale s’est construite autour du Club Vol Libre Aguergour. Depuis le 12 novembre 2013, les autorités locales de la province du Haouz décident d’interdire le vol sur ce site de renommé international pour des raisons de « sécurité ».

Atterrissage forcé

« Le site Aguergour offre un potentiel aérologique extraordinaire durant la période allant d'octobre à avril, qui coïncide avec la période des mauvais temps en Europe », nous explique un membre du club, avec un brin de nostalgie. Au départ, le site est développé de manière spontanée par des parapentistes français. Au fil des années une économie locale saisonnière, tournée vers la pratique du vol libre, à travers l'ouverture de gites, auberges et maisons d'hôtes voit le jour. Le site accueille en haute saison jusqu’à 300 sportifs par semaine. « En plus du potentiel naturel important, le site est proche de l’aéroport de Marrakech et il est à trois heures de vol de Paris », explique Khalid Chtata, président du club Aeroteam de Rabat. En novembre 2013, les autorités obligent ce site à faire un atterrissage forcé. « Avec cette décision, la région connait une année blanche. C’est une catastrophe économique », s’alarme Chtata.

La position du gouverneur

En novembre 2013, la Fédération Royale Marocaine de l'Aviation Légère et Sportive avait organisé en collaboration avec la Province d'Al Haouz, le 1er festival de vol libre d'Aguergour. L’événement devrait être le lancement « grand public » de la destination pour le tourisme sportif. La chute accidentelle d’un participant étranger change le cours de l’histoire de ce village. Deux jours après la fin de la compétition, le gouverneur décide d’interdire le vol en parapente. Le gouverneur promet « des actions structurantes pour mettre en place un cadre juridique adapté et efficient pour l'exercice de ces activités au niveau de la province d'Al Haouz et qui fera l'objet d'un arrêté gubernatorial spécifique », peut-on lire dans un écrit officiel de l’autorité locale. Six mois après, les fans de parapente s’impatientent. « Des mois se sont écoulés depuis sans qu'aucun arrêté ne voit le jour et sans que l'interdiction ne soit levée », s’insurge une habituée du site. Même Simohamed Hachami, président de la Fédération royale de ce sport ignore les vraies raisons de cette interdiction : « Nous avons écrit à toutes administrations concernées mais sans recevoir de réponses de leurs parts ». Il regrette que « cette décision porte préjudice au tourisme au Maroc. Plusieurs pratiquants internationaux s’étonnent de cette décision ». Malgré ces nombreuses requêtes, le gouverneur reste ferme dans sa position.

Réglementer ou interdire ?

« Notre décision de fermeture fait suite à des accidents consécutifs et à des comportements irresponsables », déclare une source à la province d’El Haouz à nos confrères du Matin. Et les autorités enfoncent le clou : « Les activités avaient été suspendues sur ce site depuis 2010 en raison de la récurrence des accidents liés à une pratique anarchique, ouverte à un public non initié par des opérateurs non spécialisés, voire des amateurs en l’absence de toute forme d’organisation ». A la Province, on considère que « cette activité faisait l’objet de plusieurs réclamations des riverains du site dont les habitations étaient parfois survolées à très basse altitude, en violation de l’intimité sociale qui caractérise la région ». Ces allégations sont réfutées par le club Aeroteam. « L’accident de novembre 2013 n’est pas le premier sur ce site. Ces incidents sont courants dans notre sport », tempère Chtata. Pour ce dernier « le parapente est un sport extrême comportant des risques. C’est pour cette raison que les pratiquants ont tous de solides assurances ». Pour rassurer les responsables locaux, le club avait signé un partenariat avec une société de transport médicalisé pour toute intervention d’urgence dans un délai de 45 min. L’autorité locale estime cette mesure insatisfaisante. « Le transport n’est pas mobilisé sur les lieux et par conséquent, il nécessitera d’avantage que 45 min », répond la province dans un courrier de février 2014.

A qui profite cette situation ?

Aeroteam persiste et signe. « La pratique de ce sport n’est pas anarchique. Le parapente au Maroc est régi par une réglementation de la Direction de l’aviation. Toute autorisation de vol n’est délivrée qu’après le dépôt d’une demande comprenant le brevet du parapentiste », assure Chtata. Enfin, le président de ce club réfute toute violation de l’intimité des habitants. « Ce n’est pas sérieux de nous accuser de le faire. Nous décollons à partir de 600m de hauteur dans la vallée de Haouz pour atteindre les 1600 m2 », précise-t-il. Et d’enchainer : « La question principale est ce qu’il y a une volonté de développer cette région par l’intermédiaire de ce sport ou pas ? S’il faut organiser la pratique, il n’y a nul besoin de l’interdire », recommande le président d’Aeroteam. Hachami le président de la Fédération ouvre la voie à l’hypothèse que Aguergour soit victime de la concurrence entre des membres fédéraux : « Il se peut que d’autres membres fédéraux nagent à contre-courant et ne veulent pas la réouverture de ce site car il fait de la concurrence à leurs clubs situés dans d’autres régions ». Pour rappel, le parapente est pratiqué sur quarante sites au Maroc. Aguergour drainait annuellement entre 7 et 10 000 touristes❚