Scandale de l’amiante en France, des leçons pour le Maroc

À l’opposé des autres pays européens, la France n’a interdit l’amiante qu’en 1997. Cette décision tardive fait que la courbe des cancers de la plèvre, les mésothéliomes, est encore ascendante, alors que celle-ci est en baisse dans d'autres pays comme les États- Unis, où les entreprises ont pris vingt ans plus tôt des mesures de prévention contre l’amiante. Le Sénat français explique le retard de l’interdiction du matériau par le rôle joué par le lobby pro-amiante. « Le dossier de l'amiante a été officieusement délégué dans le même temps, entre 1982 et 1995, à une structure informelle et singulière - le Comité permanent amiante qui n'était en fait qu'un lobby de l'industrie dans lequel siégeaient également des scientifiques, les partenaires sociaux et des représentants des ministères concernés, et qui prônait l'usage contrôlé de l'amiante ».

Le fiasco du désamiantage

Le rapport du Sénat français constate que « la contamination par l'amiante apparaît comme un drame sanitaire majeur dont les conséquences sociales se prolongeront pendant plusieurs dizaines d'années, en France comme à l'étranger ». Surtout qu’on estime à 174 millions de tonnes l'amiante qui a été extrait et utilisé dans le monde au cours du siècle dernier. À titre d'exemple, 3.000 produits contenant cette matière nocive ont été recensés en France et 100 millions de m2 des bâtiments de l’Hexagone seraient encore amiantés. Un plan de désamiantage coûteux a été lancé. Ses résultats sont loin d’être satisfaisants. En 2006, sur 936 chantiers de désamiantage, 76% d’entre eux étaient non conformes à la réglementation. Ce qui a donné lieu à 86 arrêts de chantier. Le rapport du Sénat met en évidence la difficulté d’appliquer la réglementation. Le désamiantage sauvage est toujours à l’oeuvre. Parmi les plus grands chantiers de désamiantage est celui du campus de Jussieu à Paris. Dix huit ans après leur lancement, les opérations lancées ne sont pas encore terminées. La France bute également sur le dossier des indemnisations et de la responsabilité civile et pénale de l’Etat et des employeurs. Dès la fin des années 90, des dispositifs spécifiques de préretraite et de réparation des accidents de travail ont été mis en place pour compenser la perte d'espérance de vie des personnes exposées à l’amiante. Le processus judiciaire a connu plusieurs rebondissements. En 2015, devrait s’ouvrir le procès en pénal de l’affaire Eternit, un fabricant de matériaux de construction en amiante. Cette entreprise est accusée par l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante d'être responsable de la contamination d'environ 4000 victimes dont 1500 morts. Une affaire à suivre ! Le Sénat français avertit que « le drame sanitaire de la contamination par l'amiante s'inscrit dans une problématique plus large de l'utilisation de produits dangereux pour la santé humaine et l'environnement ». De son côté, l'Organisation internationale du travail estime que 100.000 personnes mourront chaque année dans le monde en raison de l'usage massif qui a été fait ou qui est encore fait de ce matériau. Ce chiffre ne suffit-il pas pour que l’alerte soit donnée ? ❚

 

Lire aussi :