Alf Lila Ou Lila signé Anouar Moatassim

L’Observateur du Maroc : Comment est née l’idée d’une version marocaine du conte oriental Shéhérazade ?

ANOUAR MOATASSIM : Ça fait plus de deux ans que je travaille sur le concept avec comme toile de fond les contes de Mille et une nuit. C’est une histoire avec une nouvelle intrigue autour de Shahrazade et Chahrayare. Tout le monde connait l’histoire de ce roi, mais personne ne connait sa vie au quotidien, je voulais l’inventer, lui conférer une touche créative et avoir des personnages auxquels les marocains pourraient s’identifier. D’ailleurs, deux de mes personnages sont inspirés de la tribu berbère d’AMIEL. C’est un peu un hommage à notre culture et à notre patrimoine (les moussems, les visages typés, …) et les personnages ont été crées dans ce sens. Je voulais que ça soit inspiré de la culture marocaine, le but était de redonner vie au patrimoine marocain, à nos valeurs et à notre culture.

Comment s’est fait le choix des acteurs ?

Ca n’a pas été facile. Le casting a duré plusieurs mois. J’ai fait le tour du Maroc, à la recherche de profils qui correspondraient à mes personnages. J’ai mis plus d’un an à convaincre Younès Bouab pour qu’il interprète le rôle de Chah- rayare. C’est un personnage charismatique qui dégage une positivité et ce n’est pas quelqu’un de médiatique. Dans la série, il est beau, gentil, aimant, mais suite à l’adultère, il sombre dans le mal et la cupidité et malgré ce malheur, il garde un bon côté. Nadia Kounda, je ne la connaissais pas mais j’avais de bons échos à son propos. Khyari (rôle du Vizir) est un professionnel expérimenté qui sait parfaitement passer de la comédie à la dramaturgie. J’ai tenu à mettre en valeur les acteurs et surtout à mettre en avant le patrimoine marocain.

Pourquoi avoir fait appel à des mannequins (Amina Allam) ? Pour que ça fasse beau ?

Il ne faut pas réduire les mannequins à de beaux visages. Àpartir du moment où elles montent sur des podiums et enfilent des costumes, elles ont un rôle d’interprétation, elles incarnent un personnage. Je trouve qu’elles ont une présence et un charisme.

La version marocaine n’a rien à envier aux séries syriennes ou turques. Quel est le secret de cette réussite ?

C’est plus une question de volonté et de rêve. Depuis toujours, je rêve de relever des challenges qui paraissent impossibles. C’était un choix de s’aventurer dans ce genre. Ça me correspond parfaitement, j’aime raconter les histoires fantastiques, les contes épiques. Je suis un mordu de la lecture et depuis tout petit, je dévorais les livres de jeux de rôle, qui font rêver et dont vous êtes le héro. Cet univers fantastique m’a toujours fasciné, ça me permettait de m’imprégner des personnages, pouvoir les incarner, et surtout de rêver.

Budget de la série ?

Entre 300 000 et 350 000 DH l’épisode. Tous les moyens financiers et humains ont été déployés pour la réussite du projet, et surtout beaucoup de volonté. Il y avait près de 234 personnes à gérer dans les dunes du sable, ce n’est pas évident. La série est axée sur plus de 14 personnages (plus de 5 costumes/ personnage), 25 chevaux, 90 figurants,… On a utilisé des moyens techniques innovants comme le drone pour les plans aériens…

Après un film autobiographique « À l’aube, un 19 février », vous vous lancez dans la fiction.

Depuis que je suis gamin, je fais du rap, de la photo, et le cinéma est un aboutissement de tout cela. Ce sont des disciplines qui me permettent de m’exprimer. Je n’aime pas un genre précis en particulier, je peux passer d’un film noir à une comédie, ça dépend des humeurs et de l’état d’esprit où on se trouve. Je m’exprime à travers l’image, la mise en scène et les films que je fais finalement. « À l’aube, un 19 février » était comme un exutoire pour moi, ça m’a permis de me soulager, de dire les choses que je n’ai pas pu dire autrement.

D’ailleurs, après ce film, on vous a taxé d’accro à la violence ?

C’était ma manière d’exprimer la douleur. Et c’est ce que j’ai toujours fait quand je faisais du rap, ça dépend de mon état d’esprit et de ce que j’ai envie d’évacuer.

Les réalisateurs qui vous inspirent ?

Stanley Kubrick reste le meilleur. D’ailleurs, on n’a toujours pas réussi à décoder ses films !

D’autres projets ?

Un long métrage, une comédie fantastique avec un super héro marocain, interprété par Mourad Zaoui. Ce sera un mélange de rire, d’amour et d’effets spéciaux ❚