Violence contre les migrants subsahariens : un sit-in de plus, sans grand succès
La manif de Rabat n'a pas rassemblu00e9 grand monde.

« Solidarité avec les migrants », « halte au racisme », « non à l’impunité », étaient les slogans que l’on pouvait lire sur les pancartes de la quarantaine de manifestants rassemblés devant le Parlement jeudi 11 septembre. Bien peu de monde pour un « phénomène » qui fait la une des quotidiens et des magazines depuis l’assassinat d’un Sénégalais et de Camerounais à Tanger. L’objectif du sit-in ? Se solidariser avec les subsahariens, victimes de mauvais traitements et de violence. Associations marocaines et africaines étaient à l’origine de l’initiative.

« Nous voulons faire pression sur les autorités marocaines », explique Khadija Ryadi, ex présidente de l’AMDH et lauréate du prix des Nations Unies pour les droits de l’Homme en 2013. « L’Etat doit mettre en place des politiques de sensibilisation dans les écoles, les mosquées, à la radio, afin de faire respecter le droit des migrants », poursuit-elle. Car dans la réalité, les subsahariens sont aujourd’hui, pour beaucoup, de vrais boucs émissaires. Chômage, crise économique, violence, ils seraient, aux yeux de certains, responsables des maux que traverse la société marocaine. La réalité est plus complexe. Khadija Ryadi évoque « une crise de valeur de la société marocaine due à l’échec des politiques économiques et d’enseignenement ».

La violence, nombre de migrants affirment la subir de façon quotidienne. Arrestations arbitraires par la police, insultes, escroqueries.  « Tout le monde se sent en danger ici », confie Djibril, qui est venu manifester et vient d’être régularisé. « Nous sommes tous exposés, il ne manque pas une année sans que certains d’entre nous soient assassinés », constate-t-il amer. Clairvoyant, il n’accuse pas pour autant toute la société marocaine, qu’il juge malgré tout accueillante et hospitalière. « Notre sort serait le même dans un pays européen ».

Triste constat pour ceux qui ont quitté leur pays espérant trouver ailleurs ne serait-ce qu’une once de l’eldorado de leur rêve.

Dans la petite foule réunie devant le Parlement, certains reviennent sur le drame qui a secoué le quartier de Boukhalef à Tanger à la fin du mois d’août dernier. « Charles était mon ami », confie Abdoulaye. « Les autorités et la police restent silencieuses face à ce drame », déplore-t-il. Il refuse d’assimiler le meurtre de son compatriote à un règlement de compte ou à une affaire liée à la drogue. « Ce sont des actes racistes gratuits, barbares et xénophobes », martèle-t-il. Le silence assourdissant des autorités et de la police de la ville de Tanger ne fait que nourrir l’incompréhension et l’injustice qui se fait sentir dans cette affaire.

Alors que les manifestants se dispersent, certains évoquent l’opération de régularisation débutée l’année dernière. Quelques-uns ont réussi à régulariser leur situation. D’autres se heurtent à des conditions d’éligibilité qu’ils jugent trop strictes : au moins cinq ans sur le territoire marocain et un contrat de travail. Mission impossible pour Bertrand, d’origine camerounaise et installé au Maroc depuis quatre ans. « Dans l’imaginaire des gens, le Noir ne sait rien faire », constate-t-il, le regard triste. Son dossier a été refusé plusieurs fois. Sans papier, Bertrand n’a pas le courage de demander un travail décent et n’a aucun accès à la sécurité sociale. « Même entre migrants, il existe des inégalités. Les Sénégalais sont favorisés, ils trouvent du travail très facilement », renchérit-il. Mercredi dernier, Bertrand assistait à la journée d’étude organisée par le ministère de l’Intérieur au sujet de la situation des migrants. Représentants institutionnels et de la société civile, universitaires, tous réunis pour dresser le bilan de la politique migratoire près d’un an après le lancement de l’opération de régularisation. « Toutes les femmes seront régularisées », explique Bertrand, présent lors des échanges. « C’est une injustice. Il devrait commencer par les membres d’associations de migrants qui sont les courroies de transmission avec la population d’immigrés », juge-t-il. 5442 demandes de régularisation acceptées, à trois mois de la fin de l’opération. Mais encore aucune statistique disponible quant à l’intégration professionnelle de ceux qui ont réussi à régulariser leur situation...