Pour éviter le Chaos

Les actes barbares de Daech ne peuvent rester impunis. Quand nous parlons d’actes barbares, il ne s’agit pas uniquement de l’exécution inhumaine et abjecte des deux journalistes américains, mais aussi du martyr subi par les populations locale, qu’elles soient chrétiennes ou musulmanes. Cependant, l’émotion est rarement bonne conseillère. Il y a des vraies questions stratégiques à résoudre et qui ne peuvent l’être que dans un contexte global. L’éclatement des États-nations, entamé en Irak après la guerre contre Saddam, puis presque généralisé par l’armement de révoltes populaires en Libye et en Syrie, et même au Yémen, cas particulier parce que toutes les tribus y sont armées, est une vraie menace pour la sécurité mondiale. On en parle peu, mais ce qui se passe en Libye est extrêmement important. C’est un pays riche en pétrole, très vaste, ayant des frontières communes avec cinq pays. Or, il n’y a plus ni armée, ni police, ni administration centrale. Le gouvernement n’a aucun levier pour rétablir la situation. Les factions rivales sont soit islamistes (Fajr Lybia), soit tribales, soit purement mafieuses. L’arsenal disponible en fait un marché aux armes pour tous les Jihadistes des pays limitrophes. Selon certains services de sécurité, des avions de chasse libyens sont actuellement au Sahel entre les mains des terroristes. La perspective d’une nouvelle Somalie est une probabilité très forte. Or, on se rappelle que par l’opération « Restore hope » (Restaurer l'Espoir), les USA étaient intervenus avant de se retirer et de laisser le chaos s’installer. Quel est maintenant le plan en gestation contre Daech ? Des frappes aériennes occidentales et une intervention au sol de forces locales. En Irak, les peshmergas kurdes font le boulot. Mais stratégiquement, les Kurdes n’ont nul autre intérêt qu’à sécuriser leurs territoires en vue de déclarer leur indépendance. Ils sont donc malvenus dans les régions sunnites. Les « Sahwas », ces forces tribales sunnites qui avaient été très utiles contre Al-Qaïda, ont été marginalisées, combattues par le régime Al Maliki. En Syrie, le seul allié possible est… Bachar El Assad. Sur le terrain, Annosra a fait allégeance à Daech et l’opposition moderne, laïque, n’existe que dans les hôtels cinq étoiles de Doha et d’Istanbul. Sur le plan militaire, on voit donc que l’alliance projetée est difficile à mettre en oeuvre. Les frappes aériennes affaibliront les Jihadistes à coup sûr, mais le problème restera entier, parce qu’il est politique. Il faut reconstruire des États centraux viables, en tenant compte des particularismes. En Irak par exemple, seul un rééquilibrage confessionnel peut permettre de rétablir la paix. Encore faudra-t-il convaincre les Kurdes de se limiter à l’autonomie élargie, alors que dans les faits, ils sont déjà indépendants. En Libye et au Yémen, le risque d’effritement durable est réel. Or, ces deux pays sont géographiquement importants. Si la communauté internationale ne réagit pas avec une stratégie politique, les Jihadistes s’installeront aux portes de l’Arabie Saoudite et de la corne de l’Afrique ainsi qu’au centre de l’Afrique du Nord et du Sahel. Les grandes puissances ne doivent pas être dans la réaction, elles ont besoin d’une vision ❚