« Le risque d’importation de la maladie à virus Ebola dans notre pays est faible mais non exclu »
Lhoussaine Louardi, ministre de la Santu00e9.

L’Observateur du Maroc : L’épidémie causée par le virus Ebola est inquiétante. Que fait votre département pour prémunir le pays de l’entrée de ce virus dans son territoire ?

Pr El Houssaine Louardi : L’actuelle flambée épidémique de la maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest est effectivement la plus importante de son genre depuis que cette maladie a été connue pour la première fois en 1976. Selon les dernières informations de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui nous ont été communiquées le 28 août 2014, la flambée épidémique de la maladie à virus Ebola déclarée en mars de cette année a causé 3.069 cas dont 1552 décès, soit un pourcentage moyen de létalité de 51%. Près de 40% du nombre total de ces cas notifiés se sont produits au cours des trois dernières semaines. Un autre foyer épidémique a été récemment détecté en République Démocratique du Congo (RDC) mais sans lien avec la transmission la maladie en Guinée, Libéria, Nigéria ou Sierra Léone. Dès la première alerte de l’OMS qui nous a été officiellement communiquée ainsi qu’à l’ensemble des pays du monde le 22 mars 2014, nous avons commencé notre préparation nationale qui a débuté par l’activation de notre plan d’urgence déjà élaboré pour ce genre d’évènements au niveau de l’Aéroport Mohamed V de Casablanca. Cet aéroport reçoit régulièrement des voyageurs en provenance des pays touchés. En parallèle, nous avons mis en place un comité central de veille et de suivi de l’évènement qui a évalué le risque d’introduction de la maladie dans notre pays et il s’est avéré également que des voyageurs marocains et étrangers en provenance de certains pays touchés, notamment la Guinée, entrent dans notre pays par la frontière terrestre de Guargarate, à la frontière avec la Mauritanie. Aujourd’hui, toutes les préparations ont été achevées et consignées dans le Plan national de veille et de préparation à la riposte contre la maladie à virus Ebola (MVE) mis en place par le Ministère de la Santé en collaboration avec d’autres départements et partenaires. L’un des objectifs principaux de ce plan est de prévenir l’introduction du virus dans le territoire national à travers des activités de prévention et de contrôle qui sont menées à la fois au niveau des pays touchés à travers le contrôle sanitaire des voyageurs au départ, et aussi à travers le contrôle de ces voyageurs à leur arrivée au Maroc et leur suivi durant les 21 jours après leur entrée dans notre pays.

Y’aurait-il des cas de contamination par ce virus dans le Royaume ?

A ce jour, le virus ne s’est pas propagé à d’autres pays. Mis à part le cas détecté au Sénégal le 29 août chez un jeune ressortissant guinéen étudiant à Conakry, aucun autre pays n’a déclaré de cas en relation avec les foyers épidémiques des pays de l’Afrique de l’Ouest et qui serait survenu dans un autre pays. Des cas suspects ont été recensés dans un certain nombre de pays en dehors de l’Afrique de l’Ouest, mais les tests effectués au laboratoire pour ces cas se sont tous révélés négatifs, sachant que la confirmation du virus ne peut se faire que par des analyses bien déterminés de laboratoire. Au Maroc, en plus de la classification de l’OMS qui nous considère comme un pays à faible risque (Cf. déclaration de l’OMS du 8 août 2014), nous avons évalué le risque d’introduction et de contamination par le virus et nous avons déduit qu’effectivement, le risque est faible mais non nul. Pour que cette maladie s’implante dans un pays et que sa transmission devienne active, il faut qu’il y ai un contexte épidémiologique particulier, ce qui n’est pas le cas pour le Maroc. En plus, notre système de santé dispose de toutes les capacités pour faire face rapidement à toutes les éventualités. Le dispositif mis en place à l’Aéroport Mohamed V de Casablanca a permis de recenser et d’examiner entre le 8 avril et le 29 août 2014 un total de 13.035 voyageurs en provenance des pays touchés, parmi lesquels 10.254 transitaires et 2.674 entrants au Maroc. Aucun cas parmi ces voyageurs n’a été détecté. Et au vu de ces chiffres, on peut déduire que fort probablement, nous n’aurons pas de cas, mais nous restons vigilants et attentifs à toutes les éventualités. Nous pouvons conclure donc que le risque d’importation de la maladie à virus Ebola dans notre pays est faible mais non exclu.

Quelles sont les mesures, dispositions, et/ou recommandations que préconise votre département concernant le virus Ebola ?

En se référant aux recommandations de l’OMS et à notre expertise nationale, notre département, en collaboration avec les autres secteurs et partenaires impliqués, a mis en place toutes les mesures nécessaires pour faire face à l’éventualité de l’introduction du virus Ebola dans notre pays. Ces mesures concernent tout d’abord la mise en place d’un dispositif pour l’identification des patients suspects au niveau des points d’entrée au territoire national (Aéroports, ports et frontières terrestres) et au niveau de toutes les structures de soins ambulatoires et hospitaliers ainsi que leur transport par ambulances sécurisées en cas de besoin. Aussi, compte tenu de la virulence du virus qui est considéré comme hautement pathogène, son diagnostic nécessite des laboratoires dotés d’un équipement bien défini répondant à des normes de sécurité bien déterminées. Le Maroc dispose de trois laboratoires de ce genre à l’Institut Pasteur du Maroc à Casablanca, au Laboratoire de la Gendarmerie Royale à Rabat et à l’Hôpital Militaire d’Instruction Mohamed V de Rabat. Un autre élément important aussi concernant le dispositif mis en place est la préparation des Centres Hospitaliers Régionaux (CHR) et les CHU à l’isolement et la prise en charge des cas dans des conditions adéquates de prévention et de contrôle de la transmission de l’infection en milieu hospitalier. Par ailleurs, l'OMS a présenté le 28 août 2014 sa «feuille de route» pour orienter et coordonner l’action internationale contre la flambée de la maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest. L"objectif annoncé est de « mettre fin à la transmission partout dans le monde dans les 6 à 9 mois, tout en gérant rapidement les conséquences de toute nouvelle propagation internationale éventuelle ». Le Maroc adhère parfaitement à cette feuille de route et réitère sa disposition à collaborer avec l’OMS et les autres intervenants internationaux en vue d’un endiguement à la source de cette importante épidémie ❚