La rentrée sociale s'annonce chaude

Le torchon brûle entre le gouvernement et les centrales syndicales. Cela fait deux ans que ces derniers parlent d’années blanches pour le dialogue social. Pour eux, aucun accord ni aucun acquis social n’ont été réalisés au cours de cette période. Hormis l’UNTM qui est politiquement lié au PJD, tous les syndicats dénoncent le manque de volonté politique, l’absence d’un dialogue constructif et la mise à l’écart des partenaires sociaux. L’exécutif, lui, ne cesse de répéter qu’il n’y a pas de problème à ce niveau. Ce qui confirme l’ampleur de la divergence entre les deux parties. « Le dialogue marche très bien à notre niveau, preuve en est la réunion, le 23 décembre dernier, du Conseil supérieur de l’emploi qui ne s’est pas tenue depuis deux ans avec les syndicats et le patronat », ne cesse de répéter le ministre de l’Emploi, Abdeslam Seddiki, à chaque fois que le sujet de la paix sociale est abordée. Le ministre va encore plus loin : « Près de 70% des engagements de l’accord du 26 avril 2011 ont été honorés ». Malgré tout, la rentrée sociale 2014 s'annonce chaude, comme l’affirme Abdelhamid Fatihi. Le secrétaire général fraîchement porté à la tête de la FDT, en dépit des protestations de son rival Abderrahman El Azzouzi, n’y va pas de main morte. Pour lui rien ne va plus, tant le retard dans le traitement des dossiers très attendus par les travailleurs est énorme. D’ailleurs, contrairement à la CDT qui a appelé à un débrayage général de 24 heures dans l’ensemble de la fonction publique et des secteurs semi-publics et privés sans préciser de date, la FDT a fait front commun avec l’UGTM et a appelé à une grève nationale préventive dans la fonction publique de 24 heures, le 23 septembre, suivie d'un sit-in devant le Parlement. L’objectif est de dénoncer la politique du gouvernement et sa gestion du dialogue social.

Que reproche les syndicats au gouvernement ?

D’après Fatihi, l’augmentation des prix des produits de première nécessité affecte le pouvoir d’achat de la classe laborieuse qui ne peut plus continuer, selon lui, à subir le renchérissement du coût de la vie. « Or, les salaires ne suivent pas et restent indéfiniment gelés », estime-t-il. Et d’ajouter : « Face à la politique de la sourde oreille prônée par l’exécutif, on n’a pas d’autre alternative que de recourir aux différentes formes de protestation ». Ainsi, en plus des habituelles revendications syndicales sur les salaires et les conditions de travail, les syndicalistes mécontents reprochent au gouvernement sa gestion unilatérale et sans concertation avec les organisations syndicales les plus représentatives des dossiers sociaux décisifs, tel celui de la réforme des systèmes de retraite. Lequel revêt une importance extrême aussi bien pour les fonctionnaires que pour les salariés. Comme on pouvait s’y attendre, les centrales rejettent tout en bloc : changement du mode de calcul de la pension (moyenne des salaires sur les huit dernières années au lieu du dernier salaire), augmentation des cotisations, baisse des pensions ou encore prorogation de la vie active. Du côté de l'UGTM, Mohamed Kaffi Cherrat, qui dirige actuellement cette centrale, revient sur la dernière décision du gouvernement de maintenir en fonction les enseignants en âge de partir à la retraite, jusqu’à la fin de l’année scolaire et académique. Pour lui, le malentendu créé autour de ce sujet est édifiant et donne la mesure de la mésentente qui sévit entre les syndicats et le gouvernement. En recourant à la manière forte, la centrale proche de l’Istiqlal dit vouloir amener le gouvernement à un dialogue responsable. C’est ce que réclame également la FDT et la CDT. Il n’est pas exclu que l’UMT, qui a entamé ses concertations internes, rejoigne les rangs des contestataires en se joignant à son alliée, la CDT.

La grève et après ?

Quand on interroge individuellement chaque syndicats, les mêmes doléances reviennent : le gouvernement doit revoir sa manière de gérer les grands dossiers et ses décisions qui visent à porter un coup dur à une large frange de la société, en totale contradiction avec les principes du dialogue social et de la culture même du dialogue. Sinon ? La réponse de l’UGTM, de la FDT et de la CDT est déjà donnée : la grève ! Ne décolérant pas, les syndicalistes qui sont favorables au débrayage rappellent qu’il ne peut y avoir de stabilité politique sans stabilité économique et sociale. Pour eux, la manière dont sont gérés les dossiers épineux aujourd’hui traduit clairement la régression qui marque la gestion des affaires publiques par l’Exécutif et le manque de volonté de sa part d’ouvrir un dialogue sérieux et responsable avec les différents partenaires sociaux. Leur menace est sérieuse, si une première grève ne suffirait pas pour ramener le gouvernement à la raison, il y en aurait d’autres. C’est ce qu’on entend crier du côté de la FDT et de l’UGTM. La grève, limitée le 23 septembre à la fonction publique, pourrait avoir un impact limité sur l’économie nationale, mais gare aux suivantes, en cas d’entêtement du gouvernement. Fatihi ne réfute pas la possibilité de recourir à d’autres formes de protestations. « Nous attendons que le gouvernement, réagisse sinon nous intensifierons nos mouvements de protestation ». Pour lui, le recours à une grève générale n’est pas exclu ❚

 

Pacte social, où es tu ?

La CGEM avait court-circuité le classique canal de négociations CGEM-gouvernement-syndicats en invitant directement ces derniers, début 2013, à repenser leurs rapports pour instaurer un pacte social. Derrière cette proposition, il y a la volonté du patronat de circonscrire les conflits sociaux en initiant les centrales aux enjeux du dialogue direct. Le but était d’éviter les surenchères politiques et de tout recentrer sur les inétrêts directs des travailleurs et des employeurs. Dans les pactes sociaux proposés par la confédération patronale, les signataires mettent en avant leur volonté de faire preuve d’une forme de solidarité économique et sociale en cette période difficile et de travailler à la généralisation des droits des travailleurs. Mais difficile à faire valoir ce nouveau concept devant le gouvernement. Même la CGEM n’a pas pu arracher grand chose jusqu’à présent à Benkirane. Les promesses données pour promouvoir la compétitivité des PME n’ont pas été respectées, particulièrement la révision de l’IS et autres avantages fiscaux. Il ne serait pas étonnant de voir les patrons faire les syndicalistes lors de leur Conseil général prévu le 19 septembre. Iront-ils jusqu’à s’en prendre eux aussi à Benkirane et à sa politique ? On verra bien.