Les syndicats Sortent de Leurs gonds

Une grève n’arrive jamais seule. D’abord il y a eu ce quiproquo autour du décret-loi n°2.14.596 relatif au maintien en service, jusqu’à la fin de l’année scolaire et universitaire, des professeurs, enseignants chercheurs et des fonctionnaires relevant du statut particulier du personnel du ministère de l’Éducation nationale et dont l'âge de départ à la retraite intervient au cours de l'actuelle année scolaire. Les syndicats y ont vu une décision unilatérale du gouvernement de faire proroger, de fait, l’âge légal de départ à la retraite. Aussitôt, le ballet syndical a commencé.

Le 3 septembre, l’UMT, la CDT et la FDT se sont fendues d’un communiqué incendiaire à l’encontre du gouvernement. Ces centrales syndicales ont considéré le décret comme une surprenante provocation. Même après les précisions apportées par le ministère de la Fonction publique et de la modernisation de l’administration, les esprits ne se sont pas calmés pour autant. C’est que le sujet de la réforme des systèmes de retraite dans le pays reste très sensible. Il est tellement sensible qu’il a déclenché une réaction en chaîne.

Le 10 septembre, le syndicat national de l’enseignement supérieur a publié un communiqué appelant les enseignants- chercheurs à observer une grève nationale, de 72 heures, du 23 au 25 septembre. Le refus de la prorogation de l’âge légal de la mise à la retraite figure en bonne place parmi les revendications de cette organisation.

Le 12 septembre, sous le même prétexte, l’UGTM a reçu, pour concertation, l’aile de la FDT que dirige depuis peu Abdelahamid Fatihi. Tenue au siège du syndicat istiqlalien, cette réunion a débouché sur une autre annonce de grève. Prévu, le 23 septembre, cet autre débrayage concerne cette fois-ci toute la fonction publique, les collectivités locales et les établissements publics à caractère administratif.

Le 13 septembre, le Conseil national de la CDT présidé par Noubir Amaoui a décidé d’appeler à sa propre grève nationale « préventive » doublée d’un sit-in devant le Parlement de tous ses responsables syndicaux. En confiant à leur bureau exécutif la responsabilité de fixer la date du débrayage, les « Amouistes » se donnent le temps d’affûter leurs armes et de tenter de convaincre l’UMT de les rejoindre dans leur offensive contre le gouvernement. La tension qui prévaut à chaque fois entre le gouvernement est les syndicats montre qu’on est bien loin du « nouveau pacte social » auquel appelle, avec insistance, la CGEM. D’ailleurs, ce n’est pas parce que les grèves annoncées concernent uniquement le secteur public et les collectivités locales que le secteur privé devrait se sentir prémuni. Au contraire ! Une grève est par nature une cassure et une menace pour la paix sociale. Un conflit social, de quelque nature qu’il soit, est la preuve évidente de l’échec du processus du dialogue, de la concertation ou de la négociation. C’est à ce niveau que le gouvernement doit repenser sa manière de gérer les dossiers sociaux. Tout le monde est d’accord aujourd’hui sur le fait que le dialogue social, tel qu’il se déroule jusqu’à présent, ne sert plus à rien. Ce processus doit être institutionnalisé et revu de fond en comble pour être relancé sur de nouvelles bases. Il serait donc vain que Benkirane se hâte de désamorcer la crise du moment en appelant à une énième réunion de dialogue social. La catharsis pourrait être utile, mais elle n’apporte aucune solution aux problèmes de fond qui sont posés aujourd’hui dans le pays ❚