Myopie ou impuissance ?
Ahmed CHARAI

Dans une déclaration à CBS-News, Barak Obama explique que le danger représenté par « l’Etat Islamique » a été sousestimé. Il détaille sa stratégie qui consiste à frapper militairement Daech, mais aussi à sécher ses sources de financement. On ne peut que rester dubitatif devant cette déclaration. En effet, l’action engagée et la large coalition internationale contre les Jihadistes ont un aspect de déjà vu. Cette nouvelle guerre contre le terrorisme s’inscrit dans la même logique que celle initiée par Bush Junior. Elle est strictement militaire. Pourtant, il est clair que sans solution politique, le phénomène ne peut être contenu et encore moins éradiqué. Il ne faut pas oublier qu’à la base, c’est la dislocation des Etats centraux qui a permis l’émergence de ces mouvements. En Irak, l’erreur a été de dissoudre l’armée et de laisser 500.000 hommes armés dans la nature. Les USA ont laissé s’installer la confessionnalisation du régime qui ne pouvait aboutir qu’à l’affrontement qui a favorisé « l’Etat Islamique ». En Syrie, en impliquant la Russie et l’Iran, il y avait matière d’éviter le bain du sang et de chercher une solution politique progressive au lieu de faire du départ d’Assad, une condition sine qua non. Aujourd’hui, parce que des citoyens occidentaux ont été victimes de l’horreur de Daesh, on se focalise sur l’Irak et la Syrie. Pourtant, des situations analogues existent ailleurs, en Lybie, au Yémen, au Sahel et au Nigeria par exemple. Même en Irak et en Syrie, l’issue militaire ne garantit rien, parce que les causes du désordre demeurent. Or, les occidentaux, Washington en tête, n’esquissent aucun projet politique viable. Hillary Clinton, qui est déjà en campagne, a déclaré qu’Obama n’avait pas de politique étrangère, qu’il était tétanisé par la peur de faire des bêtises. C’est là où le bât blesse. Il est clair que l’engagement militaire, à lui seul, ne constitue pas une solution, ne suffit pas à répondre au défi gigantesque que pose le terrorisme jihadiste. La solution passe par la reconstitution des Etats concernés, dans le respect des réalités des nations. C’est de Gaulle qui disait qu’il « faut aller à l’Orient compliqué avec des idées simples ». Ces pays sont des mosaïques confessionnelles et ethniques. Cet aspect a longtemps été occulté par l’image d’Etat-Nation, alors que la stabilité n’était assurée que par des régimes dictatoriaux. Aujourd’hui, toute solution politique passe par l’implication des acteurs régionaux que sont la Turquie, l’Arabie Saoudite et l’Iran. Ces trois pays sont lourdement présents dans les crises syrienne et irakienne. Washington ne peut pas faire l’économie d’une entente avec les trois. Or, le département d’Etat continue à exclure Téhéran et ses projets, mécontente Ankara par son soutien au projet d’Etat Kurd. Au-delà, il faudra se poser la question de savoir pourquoi des jeunes affluent du monde entier, y compris des USA, vers ces zones de combat, au nom du Jihad. C’est une question à laquelle il faudra répondre et le plus tôt sera le mieux. Cette réponse doit se matérialiser en politique. La problématique du développement pèse aussi de tout son poids. La recherche de la paix passe par la stabilité des Etats, le co-développement, le soutien à une démocratisation progressive et au respect des cultures et des réalités locales. Tant qu’une telle politique n’est pas mise en oeuvre, les conflits demeurent. Le danger est qu’ils s’étendent à d’autres contrées dont la stabilité apparente est vacillante. Encore une fois, l’action militaire est nécessaire, mais loin d’être suffisante ❚