La haine
Ahmed CHARAI

Ce qui s’est passé à la frontière de l’Est n’est pas anodin : des soldats algériens ont visé des civils marocains avec l’intention de tuer. Le gouvernement marocain a réagi fermement, appelant au respect des règles internationales. À la place de l’Algérie, n’importe quel pays soucieux de maintenir de bonnes relations avec ses voisins aurait fait profil bas. Les dirigeants d’Alger ont préféré calomnier le Maroc, coupable à leurs yeux d’avoir « dénaturé les faits ». L’incident n’est pas anodin. Il n’est pas non plus isolé. L’agressivité algérienne est montée de plusieurs crans depuis plus d’une année, surtout depuis la visite royale en Afrique de l’Ouest. Toute action du Maroc est interprétée comme visant l’Algérie. Cette obsession maladive se retrouve aussi au niveau arabe. Lors de la réunion de la quatrième commission de l’ONU, celle chargée de la décolonisation, le représentant algérien a tenu des propos surréalistes sur le Maroc et la situation au Sahara. La démesure a gêné même ses soutiens habituels. Les médias officiels algériens empruntent la même voie et parlent de « méthodes barbares ». Les dirigeants algériens ont même embarqué des sportifs dans cette campagne. Rabeh Madjar, le footballeur qui prônait il y a quelques mois l’ouverture des frontières, parlait de l’amitié des deux peuples, qui n’avait jamais pris position sur l’affaire du Sahara, se découvre une passion pour le sujet et annonce qu’il va entraîner « l’équipe nationale de la fantomatique RASD ». Hassiba Boulmerka, ancienne athlète de niveau mondial, se transforme en égérie de la cause séparatiste. Toute manifestation culturelle subit l’intrusion du drapeau sahraoui. On est revenu à la propagande stalinienne des années 70. Un délire ! On peut constater, déplorer, mais il faut essayer de comprendre ce déferlement de haine. C’est d’abord un aveu d’impuissance. Le Conseil de sécurité, malgré toutes les manoeuvres de l’Algérie, a refusé l’extension de la mission de la Minurso à la protection des droits de l’Homme. L’offre marocaine de l’autonomie élargie est la seule considérée comme crédible. La sécession n’est plus envisagée par aucune puissance. À l’inverse, le haut comité aux refugiés fait pression pour que les populations de Tindouf soient d’abord recensées et pour qu’ensuite leur droit à la libre circulation soit reconnu. Human Right Watch vient de condamner l’esclavage dans les camps, sur le territoire algérien, mettant en cause le gouvernement de ce pays. Enfin, la société civile espagnole réagit à la détention d’une jeune sahraouie à Tindouf. Au-delà de ces échecs, l’Algérie est le grand malade de la région. Les scandales se multiplient, les gouvernants paralysent plusieurs secteurs, y compris les forces de l’ordre, le terrorisme reprend du poil de la bête, et le pouvoir voit ses recettes fondre du fait de la baisse des cours internationaux. C’est cette situation qui attise la haine d’une nomenklatura, longtemps bercée par le mirage d’une Algérie qui serait la championne du Maghreb, grâce à ses ressources en hydrocarbures. La seule réponse à cette débauche maladive est d’assurer l’émergence économique, approfondir la construction démocratique, tout en restant vigilant. La raison finira peut-être un jour par prendre pied dans le palais présidentiel algérien et le Maghreb sera alors possible ❚