« La guerre de l'intelligence économique alternative ne fait que commencer »
Michele Altamura

Entretien avec Michele Altamura, Directeur de l'Observatoire Italien et fondateur d’Etleboro

Sur le sens à donner aujourd’hui à l’intelligence économique qui se vend cher et qui est donc inabordable pour les PME, nous avons interrogé Michele Altamura. Lui qui milite pour sortir cette intelligence du carcan de ses grands commerçants.

L’Observateur du Maroc : Quelle signification donnez-vous à l’intelligence économique ?

Michele Altamura : L'élaboration de l'information, la recherche, la constance et l'observation contribuent à la création d'une nouvelle structure. Auparavant, on pouvait faire la distinction entre ce qui relevait du secret et ce qui était du domaine public, maintenant nous avons un contexte très instable et en évolution permanente. Avec l'avènement de l'informatique, les données publiques sont plutôt nombreuses, mais elles doivent être trouvées, élaborées et puis étudiées. Tout ce processus constitue une d'intelligence hybride, humaine et mécanique, qui ensemble peuvent permettre l'élaboration de nouveaux concepts et donner un résultat scientifique et donc objectif.

Ne trouvez-vous pas que l’on avance tout et n’importe quoi au nom de l’intelligence économique ?

La spéculation et la férocité de sociétés se disant spécialisées ont fait de cette méthode d'étude un produit de marketing, utilisé par une espèce de «vendeurs d'huile de serpent» pour conquérir une position commerciale privilégiée mais sans trop d'efforts. Elles proposent les mêmes contenus standardisés à tous leurs clients, avec la conviction qu’avec un logiciel et de simples rédacteurs, elles peuvent maximiser les gains et minimiser les coûts. Au contraire, l'efficacité d'une bonne intelligence économique est visible dans le temps à travers des résultats concrets, qui doivent être validés par l'évidence de la réalité. Il y a peu d'experts en cette matière, et rares sont ceux qui ont construit un véritable esprit d’intelligence économique, par la conception d’une pensée directrice, qui fait des instruments d'intelligence la partie constituante de la solution.

Comment les PME pourraient-elles bénéficier de l’apport de la bonne intelligence économique sachant que cette dernière est coûteuse ?

C'est la guerre que je mène depuis plusieurs années. Maintenant, il n'existe pas de systèmes d'intelligence économique «à bas prix», mais il y a des services qui vont du marketing à l’abstraction théorique. Nous estimons que l'entreprise doit elle-même jouer un rôle, construire une collaboration avec le Centre d'étude, auquel elle doit garantir une rémunération minimum et surveiller les résultats. Elle doit nécessairement individualiser des alliances constructives pour avoir des avantages à long terme. Or les PME veulent des rétroactions sûres dans l'immédiat, en privilégiant les consultants des multinationales qui vont exploiter leur position. Ainsi, grâce à la force financière des groupes bancaires, les sociétés de consulting réussissent à conquérir les parts de marché de la petite concurrence en appauvrissant les économies les plus faibles. Malheureusement, aujourd'hui, il n'existe aucun système d'intelligence économique pour les PME.

Y aurait-il une intelligence économique parallèle qui pourrait faire face à celle institutionnelle incarnée par de géants cabinets conseils?

Les privés, depuis longtemps, ont utilisé l'État pour introduire de lois sans la moindre consultation de la société civile. La politique instrumentalise aussi les privés pour sa propagande. Tous les deux, donc, font de l'intelligence économique un instrument de pouvoir, pas une méthode de connaissance. Face à la crise et à la dégradation de l’écosystème social, il faut garantir le respect des lois et introduire des règlements sévères sur la création des cabinets d’expertise et des associations. Par conséquent, pour se défendre de l’attaque asymétrique et non conventionnelle des groupes d’intérêt, les États doivent nécessairement constituer des commissions cybernétiques permanentes pour le contrôle des actions des privés. En coordination avec la communauté des PME, des Universités et des associations, les centres cybernétiques nationales doivent suivre les tendances des marchés, l'évolution des brevets, la dynamique des monopoles sur l'information. Des mesures conservatoires, voire des sanctions doivent aussi suivre.