Un pays apaisé
Ahmed CHARAI

En un peu moins d’un mois, le Maroc a perdu deux personnalités politiques de premier plan. Ahmed Zaidi et Abdellah Baha ont été victimes d’accidents tragiques sur le même lieu, un hasard à peine croyable. Les funérailles des deux hommes ont été imposantes, en présence de dizaines de milliers de personnes, de tous bords politiques. Il est rarissime, dans d’autres démocraties, de voir une telle communion. Ce n’est pas uniquement une attitude protocolaire de bienséance. Les dirigeants et les simples militants privilégient l’aspect humaniste, qui veut que devant la mort les divergences politiques s’estompent, pour ne laisser place qu’à la douleur partagée. La stature des deux défunts, leurs qualités humaines ont été mises en avant par la foule. Il faut prendre la mesure de ce phénomène. Il reflète une réalité sociale historique que nous avons tout intérêt à préserver. Les Marocains ont un véritable désir de vivre ensemble, fondement même de l’État-Nation. Il y a chez nous, un rejet absolu de la violence très largement partagé. Lors du prétendu printemps arabe, les manifestants avaient le souci d’éviter tout dérapage, y compris verbal. Rappelons-nous le contrôle exercé sur leurs propres slogans. Le mouvement n’a pas réussi à mobiliser fortement, non pas parce que ses revendications n’intéressaient pas les citoyens, mais parce que ceux-ci étaient attachés à la quiétude qu’offre la stabilité. Le sentiment d’appartenance, très fort, nous permet de résoudre par le débat, toutes les questions, même celles qui en apparence divisent. Ainsi la question de l’Amazighité est perçue différemment qu’ailleurs. C’est un affluent de l’identité plurielle marocaine et non pas une identité à part. Même les plus virulents des militants se situent à l’intérieur de l’identité marocaine, alors que dans d’autres pays, il y a des gouvernements amazighs en exil. Cette réalité est le produit de notre culture, mais aussi de notre histoire. Nous sommes un État-Nation depuis des siècles, c’est ce qui fonde notre attachement individuel et collectif au vivre ensemble, sur ce sol béni. Suite aux intempéries, des dizaines d’actions spontanées ont eu lieu pour venir en aide aux victimes. Relire ce qui a été écrit sur les réseaux sociaux est très instructif. À l’aspect humanitaire s’ajoute une dimension patriotique, un véritable désir de solidarité nationale, un appel au développement régional. La gauche et les islamistes ont perdu deux dirigeants de grande valeur. Zaidi et Baha, durant toute leur carrière, ils n’étaient pas des personnages controversés, bien au contraire. Ils laissent, non seulement à leurs camarades, mais à l’ensemble de la classe politique un grand héritage. Les foules qui ont participé à leurs funérailles sont porteuses de ce message : Non, il n’y a pas de rejet de la politique, mais seulement de certaines pratiques politiques. La compétence, la droiture, le patriotisme sont des valeurs saluées par ces dizaines de milliers d’anonymes qui se sont déplacés pour présenter leurs condoléances. Ils veulent ce que nous voulons tous, une classe politique au niveau de ses responsabilités historiques ❚