Mohamed Mouftakir « l’orchestre des aveugles »
Younes Megri et Mohamed Bastaoui dans Lu2019orchestre des aveugles.

Après le remarqué Pegase, le réalisateur marocain Mohamed Mouftakir revient en force avec son 2e film - programmé en sélection officielle du FIFM- qui nous plonge dans l’univers des Chikhates et des orchestres qui les accompagnent, dans les premières années du règne d’Hassan II. « C’est une comédie sociale, une histoire sur la réconciliation avec le père qui raconte des tranches de vie. C’est un film simple, linéaire, fragile, personnel mais pas simpliste », nous confie le cinéaste.

 

L’Observateur du Maroc : Ça vous fait quoi que votre film soit en compétition officielle?

Mohamed Mouftakir : Ça me fait plaisir. Maintenant, il faut gérer les attentes du public et des critiques. Le plus important, c’est que le film ait une grande visibilité, qu’on parle de lui, qu’on le critique.

Vous vous attendiez à être sélectionné pour le festival ?

Non. En fait, je ne fais pas des films pour être sélectionné dans les festivals. On conçoit un film d’abord comme un moyen d’expression artistique. On a quelque chose à raconter, à partager avec les gens. Tant mieux si le film est sélectionné dans un grand festival, c’est très important et surtout pour les producteurs, ça leur permet de distribuer leur film, de donner plus de chance aux films d’être vus et de circuler, donc ce n’est pas un but en soi le festival, c’est un moyen, peut être pour que le film soit plus visible.

Et si jamais vous gagnez le prix ?

Un film n’est jamais fait par une seule personne mais une équipe. Le réalisateur est un chef d’orchestre et mon film, c’est un orchestre ou chacun a donné de son mieux pour que le film soit ce qu’il est. Donc, si on gagne un prix, pour moi, c’est le cinéma marocain qui gagne le prix parce que ça serait un couronnement pour tous les efforts qui ont été faits pour ces 10 dernières années. Aujourd’hui, on commence à récolter les bénéfices, on a mis la production sur orbite, la chaîne de production est devenue plus au moins rodée, maintenant, il faut s’attaquer au problème des salles de cinéma.

Est ce que les films marocains sélectionnés ont une chance de concurrencer les autres ?

La compétition est rude et le film marocain n’a pas les moyens (financiers et moraux) qu’on les autres films. Sur le plan artistique, technique, ils sont meilleurs. Notre industrie cinématographique est encore fragile, ça se voit à l’écran, dès la 1e image, tu sens la différence. Cela dit, les films marocains sélectionnés sont toujours très concurrentiels.

Pourquoi ce sujet?

S’il y a quelque chose d’inconscient dans la création artistique, c’est le choix de l’idée. Ce film est à 45% autobiographique, c’est un peu mon histoire modifiée par mon langage cinématographique. J’ai toujours travaillé sur la thématique du père pour des raisons personnelles et politico-sociales. Le pouvoir, le père, le patriarche, ce fantasme du père me tient à coeur. Jai toujours eu un rapport conflictuel et complexe avec mon père, je le détestais, je l’aimais, je lui en ai voulu de mourir et de m’abandonner très jeune à 11 ans. Sa mort a provoqué une rupture dans ma vie et je vis les conséquences jusqu’à présent. Revenir à cette rupture pour la questionner différemment est très important pour moi. C’est une histoire sur la réconciliation avec le père, on ne peut pas avancer si on ne se réconcilie pas avec son passé.

Vous êtes parvenus à vous réconcilier avec votre père?

Oui, je l’ai puni dans Pégase et je me suis réconcilié avec lui dans l’Orchestre des aveugles. Peut être qu’après, je vais danser avec lui.

Un mot sur le casting?

Le plus averti, c’est Younes Migri qui joue le rôle du violoniste. Je voyais en lui cette image du père froid, un peu distant, mais aussi chaleureux. Depuis l’écriture du scénario, il a commencé à pratiquer le violon, il a essayé de se familiariser avec cet instrument qui est très difficile. Je suis très satisfait du résultat.

Quelle a été la chose la plus dure sur le tournage?

Reconstituer l’époque. J’ai toujours cru que les films réalistes étaient simples à faire. Reproduire la réalité est une chose très difficile, aussi bien dans l’écriture, que dans la préparation, le tournage ou la postproduction