L’après 11 janvier
Ahmed Charau00ef

Ce qui s’est passé en France, cette communion mondiale contre la barbarie, en faveur du vivre ensemble dans la liberté et le respect, est unique dans les annales de l’histoire contemporaine. Cela aura des conséquences importantes sur le débat public. Les lignes vont bouger dans le sens du refus des idées de tous ceux qui nous annoncent la guerre des civilisations, des religions, comme inéluctables, une fatalité inscrite dans l’ADN humain. Mais il ne faut pas s’arrêter aux émotions, à cette formidable mobilisation en faveur de l’humanisme, de la vie, des libertés. Des questions s’imposent et elles sont inquiétantes, parce qu’elles nécessitent un changement de paradigmes. Sur le plan sécuritaire, la collaboration internationale n’est pas sans faille ; elle est même poreuse. La Turquie laisse toujours passer des jihadistes vers la Syrie et l’Irak, des éléments détectés par les services américains sont libres de leurs mouvements en France. Des problèmes diplomatiques appauvrissent cette collaboration qui, parce qu’elle est essentielle à la stabilité mondiale, devrait être sanctuarisée et ne plus dépendre des relations intergouvernementales. L’internet, les réseaux sociaux, sont un écueil encore plus lancinant, c’est par ce biais que passent les discours de la haine, les recrutements et même l’organisation logistique. Dans cette affaire, il y a un non-dit, il concerne le coût du contrôle.

Google, Twitter, ont besoin de salarier des dizaines de milliers de modérateurs pour surveiller tout ce qui passe par leur réseau, enlever les appels à la haine, au meurtre. Les états ne peuvent interdire quoi que ce soit, parce qu’ils n’ont pas les moyens de cette interdiction. Il y a d’abord un problème d’argent, celui de savoir qui paye l’ardoise du contrôle des réseaux sociaux, au-delà de la problématique des libertés, parce que ces réseaux sont censés représenter le summum de la liberté d’expression. Le combat de fond reste celui des valeurs. Alors que la manifestation de Paris dénonçait les amalgames, on a dénombré 50 attaques contre les mosquées en France en quelques jours. Certains analystes font l’amalgame entre l’islamisme, le fondamentalisme et le terrorisme, ignorant les nuances très fortes entre ces corpus idéologiques. De la même manière qu’il faut regretter, dénoncer toutes les formes de complaisance vis-à-vis des discours de la haine ou l’acceptation de prêches dans les lieux de culte relevant de ce délit, il faut aussi combattre une islamophobie qui s’appuie sur l’ignorance. Les valeurs humanistes doivent passer par l’école : cette institution ne joue pas ce rôle, ni en occident, ni en Orient. Pour contrer la barbarie, l’UNESCO devrait chercher à homogénéiser les programmes, en tout cas les siens, pour que, universalité et spécificité puissent coexister dans la paix. L’après 11 janvier doit être celui des prises de décision et pas uniquement de la proclamation des intentions.