« J’ai été dépossédé par un mort »
Fayu00e7al Kimia,nrepru00e9sentant au Maroc de lu2019Association pour le Droit et la Justice au Maroc n

'Etre spolié par un proche, c’est possible. Fayçal Kimia, quadragénaire casablancais, en sait quelque chose. Voici sa douloureuse histoire.'

 

Fayçal Kimia vivait tranquillement au quartier Oasis dans la villa qu’il a héritée de son père en 1974, jusqu’au jour où il découvre, 37 ans plus tard, qu’il vit sous le toit d’une maison inscrite au nom d’un médecin casablancais, propriétaire d’une grande clinique. « Je me suis dirigé vers la conservation foncière pour vérifier mon titre foncier. Perplexe, le fonctionnaire de la conservation a fini par me lâcher que je suis tombé dans les filets d’une mafia très dangereuse. J’ai arrêté mon travail et me suis consacré entièrement, pendant plus d’une année, à cette affaire », raconte-t-il qui ne cache pas la peur qu’il a ressentie à l’époque. Surtout qu’il recevait souvent des menaces de mort ou de kidnapping de son fils… « J’ai dû installer des caméras de surveillance partout dans la maison et ramené 4 chiens de garde pour protéger ma famille », confie- t-il. D’après le dossier retrouvé à la conservation foncière, le père de Fayçal Kimia a vendu la villa de 560 m2 à son frère en 1969, c’est-à-dire 5 ans avant sa mort. Pourtant, aucune trace n’existe de l’acte de vente original. « C’est sur la base d’une photocopie d’un acte de vente falsifié et datant de plusieurs années que j’ai été dépossédé de ma maison », explique Kimia. « Si mon oncle avait réellement acquis la villa auprès de mon père en 1961, pourquoi viendrait-il en 1974 reconnaître, lors de l’établissement de l’acte de dévolution successorale, que la villa fait partie de notre héritage ? Il aurait pu dire que c’était la sienne, non ? », s’interroge notre interlocuteur. Cette affaire a commencé quand l’oncle en question meurt en 1991. En 2011, son fils, cousin de Fayçal, prétend être l’héritier et vend la villa au médecin. « Non seulement l’original du contrat de vente n’existe pas, mais on y retrouve des termes et cachets scannés, avec une date qui coïncide avec un dimanche. La transaction n’existe nulle part sur le registre. Pour officialiser cette copie falsifiée, ils ont fait appel à un de leurs complices, un notaire, pour faire une copie collationnée », explique t-il. Il ajoute : « Il est mentionné sur cette collation qui date de 2011, qu’elle est faite à la demande mon oncle décédé en 1991. Depuis quand les morts ressuscitent pour signer des documents ?». Le médecin a-t-il acquis le bien en toute bonne foi ? « C’est ce que je pensais, jusqu’à ce je découvre que le montant de la transaction d’achat ne dépasse pas 3 MDH au moment où le mètre valait 15.000 dirhams dans cette zone. De même, sur ce fameux contrat de vente, il est stipulé que l’acheteur a visité et a pris les clés et la possession de la villa comme étant libre de toute occupation... alors que j’y habite depuis toujours! », s’insurge Kimia. Lors du dépôt de sa plainte, ce dernier a compris qu’il n’était pas le seul à s’être fait voler son bien. « Je n’étais qu’une victime de plus. Et c’est là que j’ai décidé d’être le dernier», nous confie t-il. Fayçal. K, passionné de droit, commence ses investigations par ses propres moyens. à son retour à la conservation foncière, plus de trace de cette collation qui mouille le notaire. Une enquête est alors ouverte par l’Office national de la répression des crimes financiers et économiques relevant de la BNPJ. « Le faux a été prouvé. Le notaire, le cousin et le médecin impliqués dans plusieurs affaires similaires ont tous été arrêtés, le conservateur, lui, est poursuivi mais en liberté conditionnelle», détaille Kimia. Or, si le père de famille a obtenu un jugement en sa faveur dans cette affaire, il attend toujours l’aboutissement de sa plainte pour confiscation illégitime de sa deuxième villa spoliée par le même réseau ✱